Médecins juifs en Alsace
M. GINSBURGER
Extrait de l’Annuaire de la Société historique, littéraire et scientifique du Club Vosgien - Nouvelle série, volume 1, 1933
Traduit de l’allemand par Colette STRAUSS-HIVA

Les sous-titres sont de la Rédaction du site


Au début du moyen-âge, faute d’accès aux traités de médecine grecs et latins, la pratique médicale se limitait à la médecine arabe. Etant les seuls à connaitre la langue arabe, les Juifs furent d’emblée considérés comme de bons médecins. Quasiment toutes les villes relativement importantes comptèrent un voire plusieurs médecins juifs, malgré l’insistance des autorités ecclésiastiques à marteler aux populations chrétiennes l’interdiction d’accepter tout remède délivré par des Juifs. Sauf qu’ici, comme ailleurs, les usages et les besoins de la vie quotidienne eurent raison des multiples lois et autres décrets constamment réaffirmés.

XIVe siècle

A Colmar, on trouve mention d’un médecin juif dont le décès remontait déjà à l’an 1338. Sa veuve, du nom de Megtin, ainsi que leur fils, Seckelin, avait hérité de leurs beaux-frères Eberlin et Jeckelin une maison située à Roufach, non loin d’une Maison des Femmes d’Unterlinden (1).
Vers 1392, époque de la seconde communauté juive de Colmar, l’annulation de la dette des Juifs par le roi Venceslas décrétée la même année évoque l’existence d’un médecin juif du nom de Vivelin (2).
Le 7 décembre 1384, la municipalité de Strasbourg employa durant six ans un médecin juif, maître Gutleben. Le privilège de loger gratuitement en ville lui fut octroyé, de même qu’à ses enfants et à son personnel domestique, afin qu’en vertu du document spécifique rédigé à cet effet, "il puisse,grâce à son expertise, venir en aide à nos concitoyens et à nos proches". Pour ce faire, la municipalité lui accorda la somme de 300 florins, versée à dates précises pendant ces six années. Parallèlement, il fut autorisé à pratiquer le prêt avec intérêts, mais uniquement sur ses propres fonds, à l’exclusion des deniers de tierces personnes. En revanche, il devait s’engager à respecter scrupuleusement ces dispositions en prononçant le serment spécifique imposé aux Juifs (3).

Manifestement, à l’époque, les familles de médecins juifs semblent avoir privilégié le patronyme "Gutleben". Un médecin juif portant ce nom arriva à Bâle vers 1377-1378, où il exerça jusqu’au milieu de l’année 1406. Il fut également employé comme médecin municipal bâlois, tout comme son prédécesseur, Josset, qui était probablement son père.
Car à Bâle, à l’institut du Frey-Grynaeus, il subsiste une stèle funéraire juive appartenant à un dénommé Joseph, fils de Jechid ; elle est intégrée au mur et date de 1403. Or, à l’époque, les seuls Juifs résidant encore à Bâle étaient les médecins municipaux. Aussi, il est hautement probable que ledit Joseph futeffectivement le fils du docteur Gutleben. En conséquence, Gutleben porta le prénom hébraïque de Jechiël, et son fils, Joseph, hérita du prénom de son grand-père, Josset (4).
A Colmar aussi la municipalité accorda la citoyenneté à un Juif nommé Gutleben, en 1364. Il aurait exercé la médecine et serait apparenté à la famille de médecins de Strasbourg et de Bâle. Et il n’est pas exclu que Gutleben et le dénommé Vivelin, médecin mentionné ci-dessus, soient une seule et même personne, puisqu’en fait ces deux patronymes ont la même signification (5).

XVIe et XVIIe siècles

Après l’effondrement de l’empire Byzantin, une rumeur se propagea qui contesta la fiabilité de l’expertise des médecins arabes. Le discrédit ne tarda pas à se répercuter également sur les médecins juifs. En témoignent tout particulièrement les documents, publiés en divers lieux, qui jetèrent l’anathème sur les médecins juifs et leurs pratiques.
Les soupçons s’exprimèrent en toute clarté, y compris en Alsace. En 1557, un certain Georg Pictorius, né à Villingen vers 1500, qui pratiquait la médecine depuis 1540 et exerçait officiellement à Ensisheim, rédigea un document intitulé :Von zernichten Arzten. Clarerbericht, ob die Christen von den jüdischen Artztenvertrawlicheartzney gebrauchen mögen [Des médecins méprisables. Exposé éclairant les conditions dans lesquelles les Chrétiens peuvent se fier aux remèdes prescrits par les médecins juifs]. Dans cet écrit dédié au conseil municipal de Sélestat, Pictorius use d’une foule d’arguments pour mettre en garde les habitants de Sélestat et les exhorter à se prémunir contre les médecins juifs (6).
Fort probablement, loin de se résumer à une simple initiative charitable, l’initiative de Pictorius résulta plutôt d’une certaine jalousie à l’égard de ses concurrents, car nous savons qu’à la même époque, le médecin juif Kostmann exerçait à Ensisheim. Ce praticien semble avoir été très apprécié car l’un de ses patients, Valentin Leymers, n’hésita pas à lui concéder, dans sa propre maison, l’usage privatif d’un appartement, privilège que le docteur officiel Georg Pictorius aura certainement vu d’un mauvais œil (7).

D’autres milieux alsaciens ont manifesté la même propension à calomnier les médecins juifs. Ainsi, en s’appuyant sur un document de la faculté de médecine de Strasbourg daté du 30 décembre 1642, la faculté de théologie protestante de Wittenberg stipula le 21 février 1643,que pour des raisons hautement impérieuses, les Chrétiens avaient interdiction de se faire soigner par les Juifs, ennemis de Dieu et des hommes (8).
Pour autant, bien entendu, les Chrétiens malades en Alsace continuèrent quand même à consulter des médecins juifs. Hieronymus Brunschwig, chirurgien à Strasbourg, officia dans la seconde moitié du 15ème siècle jusqu’àson décès, dans le premier tiers du 16ème. Il n’était pas juif, certes, mais très probablement d’ascendance juive. On lui doit l’ouvrage Buch der Chirurgie [Traité de chirurgie], imprimé à Strasbourg en 149, rédigé en langue allemande et entièrement fondé sur la médecine arabe (9).

Il en va de même pour Ernst Ferdinand Hess ou Hesse, Juif baptisé, auteur du traité Flagellum Judeorum, Juden Geissel, Dasist Eine Newesehrnutze und gründtliche Erweisung, dass JesusChristun, Gottes von der heiligen Jungfrauen Marien Sohn, der wahreverheisseneund gesandt Messiassey [Flagellum Judeorum ou Fléau des Juifs, nouvelle, très utile et très solide preuve que Jésus Christ, fils de Dieu et de la Vierge Marie, est bien le véritable Messie qui nous a été envoyé]. Cet ouvrage a été publié pour la première fois à Fritzlar, en1589. Hess semble avoir séjourné, au moins temporairement, à Strasbourg, ville où Anton Bertram publia l’une des éditions de son ouvrage, en 1601. En première page, l’auteur, qui se qualifie de "docteur en médecine", évoque notamment son passage dans plusieurs cités dont Jérusalem, Constantinople et Salonique. A Rome, il aurait même rencontré le pape Grégoire XIII. Dans son Dictionnaire universel des savants, Christian Gottlieb Jöcherlui attribue aussi la rédaction du Judenspiegel, ouvrage paru à Erfurt en 1601.

Selon Carmoly, autre nom de notre compatriote Eliakim Baer, natif de Soultz près de Guebwiller, c’est aussi en Alsace qu’aurait officié Jacob ben Jechiël Loans, médecin personnel de Frédéric III et précepteur de Reuchlin, car d’après lui il serait le grand-père de Jossel de Rosheim (10).
Nulle preuve indiscutable n’étaye cette affirmation, mais le patronyme "Loans"pourrait bien l’accréditer, car Jossel lui-même semble s’être attribué ce nom au moins une fois (11).
Nous possédons peu d’informations fiables sur la vie de ce médecin. Dès l’an 1492, il exerça comme médecin personnel de l’Empereur, car lorsque Reuchlin fut envoyé à la cour impériale par Eberhard le Barbu (12), il y côtoya Jacob Jechiël Loans. Ce dernier enseigna l’hébreu à Reuchlin et sut s’attirer ses bonnes grâces. Neuf ans après ces cours d’hébreu, Reuchlin lui adressa une lettre où il l’assura de son affection durable (13).

Au début du 16ème siècle, un médecin juif exerça à Sélestat et à Colmar. Plusieurs citadins de Sélestat furent subitement frappés de cécité.Le samedi suivant l’Epiphanie de 1519, le conseil municipal informa la municipalité de Colmar qu’elle avait eu vent de la présence dans cette ville d’un Juif expert en matière de soins médicaux. Elle sollicita l’envoi de ce Juif à Sélestat pour qu’il y examine les malades, non sans certifier que ce Juif serait correctement gratifié pour ses actes, son expertise et son transport (14).

Près de Sélestat, après plusieurs aléas historiques,la petite ville de Sankt Pilt (Saint Hippolyte) fut intégrée au duché de Lorraine en 1525. Quelques décennies plus tard, en 1564, elle hébergea un petit groupe de quatre familles juives.Trois ans après, un médecin juif nommé Aron y fut accueilli à la condition expresse qu’il ne se livre pas au prêt d’argent. Sa maisonnée comptait une fille, prénommée Viola (ou Veil ou Yolande), veuve d’un certain Nathanet mariée en secondes noces, entourée de son époux et de ses enfants. Suite à divers désaccords avec leurs concitoyens, l’ensemble de ces personnes ainsi que le reste de leurs coreligionnaires furent expulsés conformément au décret du 15 janvier 1579 (15).
Dans l’ouvrage de Hottinger intitulé Promptuarium sive Bibliotheca orientalis, publié à Heidelberg en 1656, une note évoque nommément les origines d’Aron. La page 40 mentionne des manuscrits médicaux dans lesquels, en l’an 5327 (soit 1567), un certain Mardochaï, fils du rabbin Alexandri, inscrivit une note précisant qu’il a acquis ces manuscrits des mains du médecin Aron Rosheim dans la ville de Sampild (St Pilt), en Lorraine. Elle permet d’en déduire qu’Aron quitta Rosheim pour rejoindre St Pilt. Mais nous ne possédons aucune autre information sur la vie de ce médecin.

Vers la même époque, à Jebsheim, près de Colmar, vécut un médecin nommé Lazarus, qui, sur la recommandation du comte Reinhold Wetzel von Marsilien et de Egenolf von Berckheim, obtint de la municipalité de Colmar l’autorisation d’acheter auprès des apothicaires de la ville les médicaments nécessaires à l’exercice de sa profession. Car à cette époque, les Juifs n’avaient pas le droit de séjourner à Colmar. Lazarus semble avoir pris la succession de son père et prodigué ses soins sans distinction de la religion des patients, comme il est dit dans la lettre de recommandation rédigée à son intention (16).
Il se pourrait aussi que ce dénommé Lazarus soit la même personne que son homonyme, médecin personnel des enfants de Ferdinand 1er, mentionné pour la première fois en 1534. Car le 6 mai de la même année, Veit von Thurn (17), baron et précepteur de la cour impériale, recommanda les services "d’Hébreu Lazarus, docteur en médecine qui soigne les enfants de l’empereur ainsi que la cour", et le 7 octobre 1544, à Spire, Ferdinand lui-même autorisa "notre médecin" Lazarus à loger en tout lieu nonobstant les dispositions spécifiques concédées aux Juifs et aux rabbins. Lazarus se vit octroyer des privilèges identiques par l’évêque Carl de Mayence, par Louis IV, comte palatin du Rhin, et par les frères Wilhalben et Ludwig, comtes palatins de Munich (18).
En outre, selon Carmoly (Revue Orientale, II,143), ce médecin aurait bénéficié, en 1563, d’une lettre de recommandation de l’empereur Ferdinand 1er adressée à Francfort-sur-le-Main, où il sollicita l’autorisation d’y construire une maison. Mais ce droit lui fut refusé par le conseil municipal au prétexte que le médecin juif serait susceptible de pratiquer la magie (19).
Il n’est pas exclu que ce refus de la ville de Francfort poussa Lazarus à se rabattre sur l’Alsace, pour s’installer plus précisément à Jebsheim.

David Teniers le Jeune, Le Chirugien-barbier, milieu du 17e s. (détail)


A la même époque qu’Aron de Rosheim et Lazarus de Jebsheim, le médecin juif Abraham exerça la médecine à Rosenwiller et dans ses environs.
En 1562, l’évêque Erasme de Limbourg (1541-1568) conclut un accord avec la ville de Strasbourg pour interdire aux Juifs toute circulation sur le territoire de Marlenheim, administré conjointement par l’évêque et la ville. S’ensuivit la rédaction d’un document officiel où le prince-évêque enjoignit le maire de Saverne et le notaire impérial Adam de Boys de diffuser cette information à toutes les familles juives résidant dans les environs. Le médecin Abraham fut lui aussi destinataire de ces nouvelles dispositions. Mais il fit valoir que sa profession l’obligeait à effectuer des visites à ses patients y compris sur le territoire de Marlenheim, ce qui continua à lui être accordé, à titre exceptionnel (20).

Au début du 17ème siècle, à Haguenau, la médecine fut pratiquée par un certain Hajim Rheinfeld lequel, outre sa qualité de médecin, portait également le titre de rabbin et en exerça sans doute aussi les fonctions. Après avoir habité Landau, il élut domicile à Haguenau en 1610. Nul doute qu’il disposa d’une richesse considérable, car à plusieurs reprises il eut l’occasion d’apporter une aide financière à la municipalité de Haguenau. Les procès-verbaux des réunions municipales mentionnent expressément la nécessité de remercier l’honorable médecin juif Hajim pour avoir prêté 20 florins au conseil municipal (21).

La Haute-Alsace compta également plusieurs médecins juifs. En 1612, les registres de comptes épiscopaux de la région du Obermundat signalent la présence d’un certain "Gumpel le Juif, médecin à Obersulz", qui payait une "taxe de protection" annuelle de 18 livres et 15 sols (22).

Par la suite, dans cette même ville, la médecine fut exercée par un certain Dodorus, autrement dit Théodore. Le procès-verbal du 27 mars 1650 précise qu’il déposa plainte contre Hans Urban Burkart qui lui devait 4 couronnes pour les médicaments et 6 couronnes pour les soins (23).
En 1623, il avait reçu de Susanna Nitpruck, née von Hertzberg et native de Guebwiller, une certaine somme destinée à un prêt. S’ensuivit un procès qui perdura sur près d’une décennie (24).
Il est hautement probable que ledit Dodorus soit la même personne que le médecin homonyme originaire d’Allschwyl, près de Bâle, et gendre de Joseph d’Allschwyl, qui, selon le témoignage de Felix Platter dans la seconde moitié du 16ème siècle, exerça lui aussi la médecine et prodigua ses soins à Bâle, sur un vaste territoire. Faute d’avoir pu rembourser les dettes de son beau-père, Dodorus fut contraint de quitter la Suisse. Après un détour par Soultzmatt, il finit par s’établir à Soultz (25).

Par la suite, le nombre d’installations de médecins juifs ne cessa de décroître car en Alsace, pendant la guerre de Trente Ans et dans les décennies suivantes, le commerce et les échanges atteignirent un niveau extrêmement bas.C’est ce qui explique que sur l’ensemble de cette période, on ne trouve plus aucune référence aux médecins juifsjusqu’au 18ème siècle. A Thann, on trouve mention d’un certain Joël Schaumburg, et à Wintzenheim, près de Colmar, Meyer Hirsch, chantre de la synagogue, est qualifié de médecin. Carmoly le désigne comme Anschel Meyer originaire de Pressburg.

Dans ses écrits, le même Carmoly évoque à plusieurs reprises que son aïeul,Yehuda, exerça la médecine à Ribeauvillé, mais aucun document n’en atteste. En revanche, la Société d’histoire des Israélites d’Alsace et de Lorraine détient une série de documents manuscrits contenant des ordonnances de médecine générale rédigées par un certain Jessel, l’un des fils de Yehuda dit Lehmann. J’ai moi-même déjà publié quelques extraits de cette série dans les Mitteilungen für jüdische Volkskunde[Communications sur les us et coutumes juifs] (21, 1907, p.1 sqq.).

Après la Révolution

Par le décret du 27 septembre 1791, l’Assemblée Nationale accorda les droits civiques aux Juifs en France, les Juifs eurent donc la possibilité de suivre des études de médecine dans les universités françaises. Très vite, nos ancêtres firent largement usage de l’opportunité qui leur était ainsi offerte. Au cours des 19ème et 20ème siècles, le nombre de médecins juifs en Alsace augmenta dans de telles proportions qu’il me faut renoncer à en offrir ici un inventaire exhaustif. Je me contenterai donc d’évoquer le nom et les actes essentiels de quelques médecins jusque vers la moitié du 19ème siècle.

Jacques et Jacques-Léon Aronssohn Jacques Aronssohn, probablement originaire de Sarre-Union, fut un médecin fort respecté à Pont-à-Mousson. Le conseil municipal lui confia le poste de médecin hospitalier. Peu après, réquisitionné par le ministre de la Guerre, il exerça sur les hôpitaux de campagne de Pont-à-Mousson et de Welferding. A cette époque, il fut confronté à une terrible épidémie de dysenterie qu’il décrivit ensuite dans un mémoire présenté à l’Ecole de Santé, à Paris. En 1810, il fut nommé médecin cantonal à Sarre-Union où il exerça jusqu’à l’âge de 86 ans, avec une énergie et une abnégation qui lui valurent la considération et l’admiration de tous. Son décès, en 1845, plongea toute la population dans le deuil, et lors de ses obsèques il fut salué comme bienfaiteur de sa patrie. Le préfet du Bas-Rhin rédigea une lettre d’hommage en reconnaissance de son action en faveur de la vaccination. Sa leçon inaugurale, parue à Giessen en 1790, est intitulée De Phrenitide symptomatica quasdam observationes cum epicrisi …

Son fils, Jacques-Léon, né à Metz le 2 mai 1793, arriva à Strasbourg en janvier 1809. Après avoir été assistant à l’Hôpital Civil en 1810, il fut nommé chirurgien adjoint, poste spécialement créé pour lui sur la recommandation du professeur Marchai. Il soutint sa thèse le 29 août 1822, mais interrompit ses activités en 1825 pour effectuer un voyage d’études en Angleterre. A Londres, il noua des contacts avec les plus éminents médecins de l’époque. A son retour, il se maria à Metz avant de s’installer à Strasbourg. Très vite, il devint l’un des médecins les plus consultés et les plus appréciés de la région. Ses voyages, qui le conduisirent dans les contrées les plus variées, l’amenèrent à lier connaissance avec quasiment toutes les sommités de son époque. En 1838, une maladie de la gorge le contraignit à s’installer en Italie, sous un climat plus clément. Là encore, sa renommée déjà largement étendue lui assura de nombreux admirateurs. A Pise, sur la demande de l’ambassadeur de France, il fut amené à pratiquer l’autopsie de la fille du roi Louis-Philippe, qui venait de décéder, et à Florence, sollicité par la veuve de Murat, il entra en contact avec le prince Jérôme, qui était alors roi de Westphalie.
De retour à Strasbourg, Aronssohn retrouva la faveur et la fidélité de ses anciens malades auxquels s’ajoutèrent bientôt nombre de nouveaux patients. Mais le sort s’acharna sur lui. Après le décès de son fils adoptif, il lui fallut endurer coup sur coup la mort de sa chère fille après une longue et douloureuse maladie, puis la disparition de son épouse. Les joies que lui procurèrent ses deux fils ne purent compenser tant de malheurs. Il dut mettre un terme à ses activités et décéda le 8 septembre 1861.
Aronssohn était membre du Conseil de santé, du Comité pour l’instruction publique, du Conseil de surveillance de la maison de santé de Stephansfeld, médecin des chemins de fer de la Ostbahngesellschaft [société des chemins de fer de l’Est], et membre de nombreuses sociétés savantes. En 1849, la société de médecine de Strasbourg le nomma à sa présidence. Il fut fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 1849.
Dès 1823, en vertu d’une ordonnance du conseil royal de l’enseignement public, il fut habilité à dispenser des cours magistraux publics où il y aborda la question des maladies liées à la syphilis. Après des activités essentiellement tournées vers la chirurgie, il se consacra presque exclusivement à la recherche et à l’étude des maladies internes.
Sa thèse intitulée Tumeurs développées dans les nerfs est appréciée comme une étude éminemment remarquable sur une pathologie encore peu connue à l’époque. Elle fut même traduite en allemand. En 1836, il reçut un prix pour son œuvre intitulée Apprécier les progrès récents du diagnostic.
La principale publication d’Aronssohn est une œuvre parue sous le titre Mémoires et observations de médecine et de chirurgie pratiques. Loin de s’en tenir aux aspects théoriques, l’auteur s’appuie sur des faits réels pour mieux en déduire des conclusions utiles à l’établissement du diagnostic et au choix du traitement (26).

Michel Lévy Michel Lévy, né à Strasbourg le 28 septembre 1800, entra à l’âge de 20 ans en qualité de médecin adjoint au service des ambulances de Morée, dans le Péloponnèse, puis il prit part au siège d’Anvers. Il monta rapidement en grade : en 1832, il devint aide-major 2ème classe, en 1834 1ère classe, en 1841 major 1ère classe, en 1849 principal, pour finir inspecteur en 1852. La même année, il fut nommé membre de l’Académie.
Après avoir soutenu sa thèse à Montpellier en 1834, il s’installa à Paris puis devint médecin-chef à l’hôpital du Val-de-Grâce. Après la guerre de Crimée, il fut nommé directeur de l’Ecole de médecine. Il mourut à Paris, en 1872, laissant derrière lui plusieurs œuvres majeures (27).

Aux environs de Colmar, la ville de Wintzenheim connut toute une lignée de médecins juifs. Son père fondateur reçut de ses coreligionnaires le nom de Hirzel Nauwiller, car il était prénommé Hirz et était arrivé à Wintzenheim en provenance de Neuwiller, près de Saverne.Il avait réchappé à plusieurs persécutions pendant la Révolution. Nombre de ses descendants exercèrent la médecine. Parmi ceux-ci :
  1. Leopold-Aron Hirtz, qui soutint sa thèse le 3 décembre 1828 à Paris sur le sujet suivant : Sur l'histoire pathologique et thérapeutique des affectations vermineuses (28).
  2. Mathieu-Marc Hirtz,qui naquit àWintzenheim le 1er décembre 1809. Sa thèse, soutenue à Strasbourg le 17 août 1836,porte sur les Recherches cliniques sur quelques points du diagnostic de la phtisie pulmonaire. Le 1er avril 1861, il succéda au docteur Forget avec le grade de professeur. Le 1er octobre 1872, il s’installa à Nancy, où il décéda le 27 janvier 1878 (29).
  3. Abraham Hirtz, dont la thèse, soutenue à Strasbourg le 30 juin 1842, est intitulée De l'emploi thérapeutique de l'huile de foie de morue. Ses travaux sont dédiés aux professeurs Marchai et Stoeber.
  4. Louis Hirtz soutint sa thèsele 14 mai 1841, avec ce titre : Des maladies des ovaires. Elle rend hommage au professeur Stolz.

Dans sa Bibl. jud., II, 242, Fürst mentionne un certain Louis Lévy, qui aurait pratiqué la médecine et la chirurgie à Buschweiler, mais il s’agit plutôt de Bouxwiller. Louis Lévy a soutenu sa thèse le 23 juillet 1838, à Paris, sur le sujet suivant : Questions sur diverses branches des sciences médicales. Dans sa dédicace, il rend hommage à la mémoire de Gerson Lévy, originaire de Metz, libraire et professeur de langues orientales au séminaire israélite de cette ville.

Mentionnons enfin Elie Lévy, originaire de Hirsingue près d’Altkirch, qui soutint sa thèse également à Paris, le 26 août 1840. Ses travaux portent également le titre de Questions sur diverses branches des sciences médicales.Dans sa dédicace, il évoque son frère, Louis, qui est probablement Louis Lévy, de Bouxwiller, précédemment nommé.

Josué Hauser, originaire de Durmenach, partage les mêmes origines que les deux médecins précédents. Après ses études à Strasbourg, il soutint sa thèse le 4 mai 1842 à Paris. Il dédia ses travaux à ses parents en ces termes : "Agréez ce faible témoignage de piété filiale et de reconnaissance pour tous les sacrifices que mon éducation vous a coûtés. Amitié et dévouement sans bornes."


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