Henry ISAAC
1882 - 1960

Henri IsaacHenry Isaac naît à Colmar en 1882. Son père Jacques Isaac est le sho'heth (boucher rituel) de la ville. Il fait des études musicales au conservatoire de Colmar, puis devient ministre officiant dans plusieurs communautés : Lauterbourg, Barr, Balbronn, Thann, Soultz (Haut-Rhin).
En 1907 il quitte l'Alsace pour  Paris, où il est nommé second ministre officiant à la synagogue de la rue Notre-Dame-de-Nazareth.
Il est mobilisé en 1915, et sert comme infirmier à l'hôpital de Sens, avant d'être nommé aumônier volontaire de la 5ème région militaire pour le service des inhumations.
Après la guerre, en 1919 il accède au poste de premier ministre officiant à la synagogue des Tournelles, où il remplira cette fonction jusqu'en 1933. Il est alors nommé second ministre officiant à la synagogue de la rue de la Victoire, et en 1938, il en devient le premier 'hazan.
Henry Isaac est aussi professeur de chant liturgique à l'Ecole des Chantres du Séminaire israélite, et officie parfois pour diverses associations à caractère social. En 1936, il est nommé trésorier de l'Association générale des ministres officiants de France et d'Algérie.
En 1949 il est nommé ministre officiant honoraire à la synagogue de la rue de la Victoire.
Marié avec Lina Wolf, il est père de deux enfants. Après son veuvage, il se retire chez sa fille à Strasbourg, et revient de temps en temps à Paris pour officier, en particulier pendant les fêtes de Tishri, ou pour enregistrer de la musique liturgique. En effet, il est le dernier représentént de la tradition liturgique alsacienne dans la capitale. Il se produit également à la synagogue de Strasbourg.
Il meurt dans sa 78ème année, à la suite d'une maladie longue et douloureuse. On a dit de lui après son décès : "L'on ne rencontrera plus ce beau vieillard distingué et aimable, dont la figure reflétait la bonté et l'amour du prochain". La levée du corps aura lieu à Strasbourg, et ses obsèques à Paris.


Il vivra dans notre souvenir
par Roger BERG
Extrait du Bulletin de nos Communautés 18 mars 1960

Nous ne reverrons plus Henry Isaac. L'ange de la mort est venu toucher de son aile cet homme qui était l'incarnation du Hazzanouth alsacien dans la grande communauté parisienne. Venu encore jeune dans la capitale, après avoir étudié chez un ministre-officiant du cru toutes les finesses et les subtilités de son état, il avait prêté son concours aux trois grandes synagogues du rite achkenazi. Rue Notre-Dame-de-Nazareth, comme rue des Tournelles, enfin rue de la Victoire, sa haute et noble silhouette se dressait pendant des années, pour recommander au Très-Haut les prières de la communauté et se faire son intercesseur.

Une page du cahier de musique d'Henry Isaac
Ygdal
Henry Isaac n'était pas un homme qui connaissait le hazzanouth par routine, pour s'être fait répéter à satiété des airs devenus inéluctables. C'était un grand musicien, d'un goût parfait. Il lisait la Loi sans défaillance et son plus grand plaisir consistait à dire d'une voix forte et assurée les noms des appelés, ceux des personnes pour qui le Mi Scheberakh était fait, ainsi que les sommes données - puisque telle demeure la coutume.

Il était l'ami de tout le monde, dans une communauté où l'élément alsacien dominait encore, c'est-à-dire jusqu'à l'entre-deux guerres. Il n'était alors pas question d'introduire dans les offices la prononciation de l'hébreu moderne et, par là même, un élément défavorable à l'homogénéité des cérémonies. Tout s'accordait : le style de l'édifice, même désuet, l'allure des fidèles qui avaient gardé encore l'accent du terroir natal, la performance (comme on dit lorsqu'on cède à la paresse de ne pas chercher un équivalent français) du ministre-officiant.

C'est pour cela qu'Henry Isaac faisait vraiment corps avec le judaïsme consistorial parisien. Il ne put pas s'en détacher. Lorsque l'âge fut venu, amenant le moment de la retraite, Henry Isaac ne dit pas un congé définitif à ses fidèles. Tant qu'il le put, chaque année, au moment des grandes fêtes de Tichri, il revenait à Paris pour quelques semaines. Sa voix redonnait l'authenticité la plus parfaite aux nigounim des jours austères. A l'office de Moussaph de Kippour, il ne se contentait pas de chanter les prières relatives aux sacrifices dans le Temple de Jérusalem. Il en était vraiment, avec une majesté incomparable, le grand-prêtre. C'était un des moments les plus sublimes de l'office et ceux qui l'ont entendu ne peuvent pas effacer de leur souvenir les accents grandioses que l'officiant inspiré conférait à ces pages sublimes de notre Rituel. L'office de Neïla constituait pour lui la pierre de touche. Transporté par une journée de jeûne, il voulait oublier les fatigues de la fête et les premières atteintes de l'âge. L'Ovinou Malkénou final donnait le ton suprême de ces vingt-quatre heures de prières. Henry Isaac en a donné une interprétation, qui constitue un véritable classique du hazzanouth alsacien. Mais, quelques jours après, à Soukoth comme à Sim'hat Torah, il apportait le meilleur de lui-même à exprimer l'allégresse joyeuse.

Sur un autre registre, il s'égalait à lui-même. Lorsque le moment était venu, on attendait avec impatience le Jahrkaddisch, où la prière traditionnelle est chantée sur les airs essentiels, propres aux grandes fêtes de toute l'année. Pour certains, cette composition, quelque peu arbitraire, est une dérision. Pour d'autres, elle constitue un tour de force vocal. Peut-être tire-t-elle toute sa saveur d'un relent particulier de folklore. En elle revit tout le judaïsme bon enfant de ces petites communautés de village, dont les fils ont fondé la grande communauté de Paris, il y a un peu plus d'un siècle et demi.

Nous ne prendrons plus de nouvelles d'Henry Isaac. Nous ne demanderons plus si, une année encore, il va revenir rue de la Victoire donner le ton à l'office le plus solennel parce qu'il est le plus traditionnel.

Par-delà la mort, Henry Isaac a pris un dernier contact avec le temple Victoire. Ses restes ont été transportés dans le péristyle, où on avait coutume de le rencontrer avant et après les offices. Son successeur, M. S. Berlinski, a chanté un air de Kippour, qui évoquait les plus hauts moments de prestige du défunt. Le président de la commission administrative du temple, le président du Consistoire de Paris et le grand rabbin de France exaltèrent ses mérites, au milieu d'un concours de fidèles, gardiens du souvenir. Certains pleuraient, d'autres se recueillaient. Une page de l'histoire liturgique de la synagogue se tournait.

Au cimetière, M. Bertrand Joseph, au nom des ministres-officiants d'Alsace et de la Moselle, Charles Lichtenstein, au nom de ses collègues de France et d'Algérie, et le grand rabbin de Paris, interprète de 1a grande communauté, dont Henry Isaac avait été si longtemps le héraut, brossèrent le portrait moral d'un homme, dont on peut dire qu'il clôt un cycle. Désormais, le hazzanouth alsacien s'apprendra dans les livres. On le transplantera encore dans certaines communautés de province. Mais ne risque-t-il pas de succomber demain, parce que ceux qui désirent l'entendre disparaissent insensiblement et que d'autres traditions, insensiblement, le submergent et font naître des formes liturgiques bien différentes de celle dont Henry Isaac a été le dernier chantre ?


Vous entendez le MOUSSAF de l'office de Yom Kipour
interprété par H. Isaac
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Ecouter le
KIDOUSH DU
VENDREDI SOIR
interprété par
Henry Isaac

 

Judaisme alsacien
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