Erwin BLOCH
1916-1988
Ministre-officiant à Sarreguemines et à Forbach
par Jean CAHN

Erwin Bloch est né le 23 juillet 1916 à Grussenheim (Haut-Rhin). Second enfant d’une fratrie de quatre (Germaine, Gilbert et Andrée), il est le fils de Mathias Bloch, boucher, frère du rabbin Joseph Bloch, et de Clémence Wolff, née à Saverne et apparentée au rabbin Wolf qui dirigea la yeshiva de Bouxwiller. Il fait partie de la troupe des Eclaireurs Israélites de Colmar, dont le responsable était Chameau (Frédéric Hammel), avec pour totem Grenouille.

Dans les années trente, l’adolescent part pour Paris et fréquente le petit séminaire rabbinique de la rue Vauquelin ; ses maîtres sont les rabbins Paul Bauer et Maurice Liber. A la suite de la maladie de son père, il revient en Alsace et étudie auprès du rabbin Ernest Weill à la yeshiva de Neudorf.

En mars 1937, Erwin Bloch occupe son premier poste de 'hazan à Fegersheim (petit village à proximité de Strasbourg) et en 1938, il est nommé à Phalsbourg (Moselle).

Mobilisé en 1939 à Montluçon dans un corps de chasseurs alpins, il racontait volontiers comment l’entrée des Allemands en Belgique empêcha le départ de son régiment pour la Norvège et comment, dans la chaleur de juin 40, les soldats furent envoyés au front dans leur uniforme de chasseurs alpins… Démobilisé en février 1941, il rejoint le centre des E.I. à Lautrec (Tarn). Là, de jeunes juifs religieux s’étaient regroupés autour d’une ferme.

Erwin Bloch convoyait de jeunes juifs pour passer en Suisse. Le passage nocturne de la frontière est confiée à des passeurs locaux. C’est ainsi que Frida, jeune juive allemande, âgée de 17 ans et 3 jours, se trouve refoulée par les douaniers helvétiques. En pleine nuit, elle vient tambouriner à la porte de la chambre d’hôtel d’Annemasse où dort son accompagnateur aux cris de "Herr Erwin, Herr Erwin…" . Il ramènera la jeune fille avec lui dans les Cévennes, en la faisant passer pour sourde et muette pendant la durée du voyage.

En 1943, il est de ceux qui créent une nouvelle ferme à Barbaste (Lot-et-Garonne). En 1944, il est dans le maquis de la Montagne Noire dans la région de Lacaune (Tarn). En juin 1944, toujours dans le maquis, il commande la 3437e compagnie de FFI de Bellac (Haute-Vienne). Le 10 juin, accompagné de sa sœur aînée Germaine, réfugiée avec sa famille au lieu-dit La Pouillade, il se trouve à bord du tramway reliant Limoges à Saint-Junien. A l’entrée du village d’Oradour-sur-Glane, le véhicule est arrêté par les hommes de la division blindée SS Das Reich, dont des Alsaciens "Malgré nous", qui vérifient l’identité des passagers, parmi eux "Hervé Lefebvre" et sa sœur… qu’ils laissent repartir. Quelques petites heures plus tard, c’est le massacre des villageois et la destruction d’Oradour. Il participe à la libération de Limoges en août 1944.


E. Bloch avec Benjamin Cahen et le Rabbin Rozen


Le diplôme de "Haver" d'E. Bloch

Désireux de monter en Israël, il est persuadé par le rabbin Deutsch de rester en France pour participer à la reconstruction des communautés et sauver ce qui pouvait l’être après la Shoah.
C’est ainsi qu’il retrouve son poste de Phalsbourg et aide à relever une communauté éparpillée et très touchée par la guerre. De 1946 à 1951, il exerce à Sarreguemines et se marie en 1946 à Haguenau devant l’oncle Joseph avec Marthe Ury, originaire de Grosbliederstroff. Dans sa nouvelle communauté la belle synagogue de style néo-byzantin a été détruite et les offices religieux ont lieu dans des baraquements provisoires édifiés sur son ancien emplacement.

Sa mission accomplie à Sarreguemines, où il a eu pour élève René Jasner, il va prendre les fonctions de 'hazan à Forbach. Il faut là aussi remettre sur pied la communauté. Il se dépense sans compter pour les jeunes et dispense ses cours au Talmud Torah mais aussi au lycée Jean-Moulin ce qui lui vaudra sa nomination dans l’ordre des palmes académiques (décret en date du 14 février 1975). Il exerçe aussi sa fonction de sho'heth (boucher rituel) aux abattoirs de Sarreguemines pour les chevillards Jacques et Salomon Muller ainsi qu’à Bliesbruck où il abat des bêtes pour la boucherie de Benoît et René Lévi et à Grosbliederstroff pour la boucherie de son beau-frère Jules Weiler. Il séjourne à Forbach une trentaine d’années et il y reçoit le titre de Haver.

En 1983, il prend sa retraite et s’installe en Israël à Petah Tikva auprès de son fils aîné Michel et fait partie de la communauté de Mekor Hayim. Son goût pour les études lui fait suivre avec passion les cours en allemand du rabbin Beifuss, originaire de Francfort-sur-le-Main. Il revient souvent en France pour se faire soigner. Il décède à Bischheim où résidait son autre fils, Roland, en 1988, le 28 Iyyâr, jour anniversaire de la libération de la vieille ville de Jérusalem.

 


Vous entendez Ovinou Malkeinou chanté par Erwin Bloch


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