Alphonse CERF
Niedervisse 1922 - Jérusalem 2011

Ministre officiant à Delme, 1958-1978

Alphonse Cerf
Alphonse CERF
1922 - 2011
"Velimadiem Aussmn ess Beneichem Ledaber Rom. Et tu l'enseigneras à tes enfants", c'est ainsi que depuis la sortie d'Egypte, en l'an 2448 de la création du monde, le peuple juif, lors des soirées pascales, autour de la table du Séder, perpétue cette tradition par le récit de la Hagadah transmis jusqu'à nous.

Depuis longtemps m'est venue l'idée de transmettre à mes quelques coreligionnaires demeurant encore à Delme, à ceux qui ont quitté Delme, ainsi qu'à tous mes amis juifs et non juifs vivant encore au village, combien fut riche spirituellement cette petite communauté juive ressuscitée miraculeusement après la Shoah, alors que la furie nazie avait détruit sa synagogue. Ce sont vingt années de ma vie passée parmi ces braves que je veux à mon tour, dans ce travail, laisser à la postérité, afin que cette période tellement digne d'intérêt historique ne tombe pas dans l'oubli. D'illustres historiens ont déjà publié tant et tant d'ouvrages sur Delme et son histoire : je citerai notamment l'Abbé Marange, Martial Villemin, ainsi que mes amis Jean Daltroff et l'archiviste Gilbert Galien.
Pour ce qui me concerne, je me contenterai de décrire, ainsi que je l'ai déjà mentionné, ce que fut la vie communautaire des juifs delmois pour la période durant laquelle je fus nommé par le Consistoire israélite de la Moselle ''hazan, ministre officiant de la communauté de Delme, avec le plein accord du Président et de l'Administration de la communauté de 1958 à 1978.

Bien avant la deuxième guerre mondiale, alors qu'enfant je vivais dans mon village de Niedervisse où existait également une très ancienne communauté juive, j'entendais parfois citer par les anciens le nom de Delme. Cela me paraissait tellement loin de chez nous, en ces temps où on se plaisait à vivre et rester là où l'on était, les raisons et les moyens de déplacements étant très rares. Nous avions au village, dans mon jeune temps, une dame juive née à Delme, Thérèse, née Caen, épouse de Salomon Mayer. Je me souviens encore très bien d'elle. Elle était la seule personne dans tout le village qui ne parlait que le français, la seule personne abonnée au journal Le Messin, le quotidien régional en langue française. Thérèse Mayer, évacuée avec tout notre village dans la Vienne pendant la période de guerre, décédée et inhumée en 1942, ainsi que son époux, dans le cimetière communal du bourg de Lhommaizé. Lors de mes pèlerinages dans la Vienne, je ne manque jamais d'aller me recueillir sur leurs tombes à Lhonnnaizé, ainsi qu'à Poitiers où est inhumé mon grand-père Ernest Cerf, également issu du village de Niedervisse.

Ayant, avec ma famille, été sauvés grâce à des "Justes des Nations", et ayant survécus à la Shoah, nous sommes retournés à Niedervisse en 1945-46. Là aussi, la folie nazie avait détruit tout le quartier juif et la synagogue et suite aux déportations à Auschwitz, décimé notre conmmnauté à tout jamais. Il n'en fut pas tout à fait ainsi à Delme où survécurent quelques familles juives revenues d'exil après guerre.

Première rencontre avec Henri David

C'est à Metz, le 24 juin 1948, que j'ai épousé Anne-Marie, née Lipschtitz. J'exerçais la profession de représentant en électro-ménager. Je fréquentais alors un oratoire privé situé 9 rue Chatillon, le minyan dit Wertensehlag. Une trentaine de fidèles, hommes, quelques femmes et enfants, composaient cette petite communauté. Parmi les assidus, un ami, Lucien Hayem, marchand de bestiaux. Il avait deux filles, l'une mariée à Delme à Rémi David, l'autre Suzanne, mariée à Marcel Caïn, originaire de Delme et demeurant à Metz. Bien souvent, lors des fêtes, Henri David venait passer quelques jours avec sa famille chez ses beaux-parents rue Henri-Maret à Metz. C'est lors d'un de ces passages à Metz, alors qu'il accompagnait son beau-père à l'office Wertensehlag, que Lucien Hayem nous présenta et me fit ainsi connaître son gendre Henri David. Au cours des années 1956-57, Lucien Hayem me parlait beaucoup de Delme et me suggéra de reprendre en main la vie spirituelle de cette communauté où subsistait encore la possibilité de recréer un minyan. Au cours de ces années, lors de ses passages en famille à Metz, M. David me relança à plusieurs reprises. Je réfléchis longuement, cela dura près de deux ans, avant de donner une réponse affirmative en 1958.

Les élections pour le renouvellement du Consistoire israélite de la Moselle amenèrent Georges Wertenschlag à la présidence. Edgar Lévy, originaire de Delme, sera son vice-président. Georges Wertenschlag voudra doter toutes les petites communautés où la vie spirituelle serait encore à reconstruire, d'un 'hazan. Il va sans faiblir inaugurer plusieurs lieux de culte à travers la Moselle et n'aura de cesse jusqu'à ce que Delme soit dotée d'un 'hazan. Ainsi, il se trouvera qu'un juif d'origine égyptienne, Jacques Yechivi, sera nommé le 1er janvier 1958, membre de droit du Consistoire et 'hazan de Delme, en accord avec le grand rabbin de Moselle, Robert Dreyfus.

Le hasard et la providence vont intervenir

Revenons à présent quelques armées en arrière. Ainsi que je l'ai écris, Delme a eu cette chance de voir revenir des familles juives au village. Hélas, connue partout ailleurs, la communauté juive a payé son tribut à la Shoah. La plaque apposée ultérieurement dans la choule (synagogue) en témoigne : déportés, fusillés, la choule en ruines.
Le dossier "Dommages de guerre" déposé au M.R.U., Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, dort alors quelque part dans un tiroir. Edgar Lévy, l'ancien président de la Communauté, a quitté Delme pour Metz. C'est à présent Henri David, élu président de la communauté israélite de Delme, qui voit sa choule... en ruines. Issu d'une famille pieuse venue de Thionville à Delme, il souffre de cet état de choses. Le hasard et la providence vont intervenir. Il me l'a, en vingt ans, souvent répété.

Un jour, dans la rue, il rencontre l'Abbé Sibille, archiprêtre de Delme, qui lui dit : "Cher Henri, comment pouvez-vous laisser la "Maison du Seigneur" en cet état de ruines ?". Cette conversation va déclencher en lui le début d'un processus qui ne s'arrêtera pas. Fortement aidé et soutenu par son épouse, Aline née Hayem, cette dernière, on ne le dira jamais assez, ne ménageant ni son temps ni ses efforts pour se rendre autant que nécessaire à Metz, dans les services du M.R.U. Ainsi sera étudiée et mise en exécution la reconstruction de la choule de Delme en 1952. Ce miracle restera l'oeuvre de l'Abbé Sibille et d'Aline David. Hélas, peu de temps après, Aline, malade, décédera et laissera seuls Henri et leur fils unique, Pierre. Plus tard, nous apposerons une plaque commémorative dans "sa choule", en mémoire d'Aline David née Hayem.

Jacques Yechivi, 'hazan de Delme

D'origine séfarade, son rite, sa prononciation de l'hébreu ne concordent pas avec le rite judéo-lorrain des juifs ashkénazes, d'obédience rhénane. Cela va très vite créer un malaise. Certains juifs delmois ne viennent plus à la choule, d'où insuffisance d'hommes majeurs pour assurer le minyan et les offices. En novembre 1958, alors que les sollicitations se font pressantes, je veux d'abord m'assurer. que je n'enlève pas le gagne-pain de M. Yechivi. On m'assure qu'il n'y a plus ni dialogue... ni offices, et en novembre 1958 je passe un premier Shabath à Delme. On me demande de revenir un mois plus tard célébrer le Shabath-Hanouka. J'accepte. C'est là mon début à Delme. Dès janvier 1959, j'y vais régulièrement. Les époux Yechivi, que je n'ai pas connus, ont quitté Delme depuis peu. Ma nomination, publiée au Journal Officiel, aura lieu le 1er février 1959.

La communauté, les familles

La synagogue de Delme
reconstruite en 1952
J'avais appris la 'hazanouth (la liturgie) en autodidacte. Les premières années, je chantais l'office en lisant à partir d'un rituel de prières, tandis que le président de la communauté suivait le texte sur le rouleau du Sefer Torah, mais rapidement, j'ai pu le lire directement sur le Sefer. En général j'assumais seul la conduite des offices, aidé par Henri David.

Précisons tout d'abord que pendant mes vingt ans passés à Delme, j'aurai logé six ans à l'Hôtel de la Gare, chez les époux Eumont et leur nièce Maguy, où la communauté m'avait trouvé une chambre. J'ai ensuite logé pendant six autres années chez la famille Féry, de très braves gens, puis pendant près de huit ans chez Madame Collignon, en face de la choule.

Pour allumer et entretenir le fourneau au mazout, allumer et éteindre les lumières, nous avions comme Shabbesgoye Madame Krebs qui demeurait face à la choule, dans la "petite maison " appartenant à Henri David.

Afin de mieux pouvoir décrire les demeures ainsi que les familles juives vivant au village, j'emprunterai l'itinéraire venant de Metz-Liocourt en direction de Château-Salins, c'est à dire en quasi-ligne droite à travers Delme.

A Liocourt, où existe encore aujourd'hui le bâtiment de l'ancienne choule, car il y existait jadis une communauté juive, j'avais voulu visiter et connaître cette ancienne choule. Monsieur Marsal, éleveur de volailles, fournisseur du boucher juif de Metz M. Braff, m'avait bien reçu et expliqué qu'en 1919 il avait racheté le bâtiment et en avait fait un hangar. Le dernier Parnass (président) de Liocourt fut Bernard Caen qui quittera le village pour aller à Delme.

Je rendais visite chaque année à la seule famille juive y demeurant encore, Madame Elise, veuve Pichler, née Caen. Elle avait eu deux filles que j'ai connues. Dline était la cousine des Caen de Delme. Elle venait assez souvent à Delme chez sa cousine Fernande Moyse, le Shabath et aux fêtes, et y venait toujours.... à pied. Elle décéda en 1977 et ce fut pour moi la dernière inhumation que j'ai faite au cimetière juif de Delme. Il faut préciser que seul Delme avait été autorisé à avoir un cimetière juif où étaient enterrés les juifs de Delme, Liocourt, Château-Salins, Vic-sur-Seille, Chambrey, et parfois Donnelay et Bacourt.

Arrivant donc à Delme par Liocourt, au croisement de la route de Tincry, se situe la demeure de Henri David : maison, jardin, hangar, étables. Son fils Pierre et son épouse Solange, née Dranesas, y demeurent jusqu'à aujourd'hui (2004) et leurs deuxgarçons, Thierry et Marc, y ont grandi et ont connu encore un peu la vie communautaire du village.

A quelques mètres, toujours côté gauche de la grande route, se situe la choule, aujourd'hui devenue centre culturel. A côté, est située la maison de Roger et Marthe, née Vorms, Daltrophe. Je n'ai pas connu Roger, mais Marthe, née Vorms, venait de Shalbach. Je lui rendais visite après l'office et par elle, j'ai beaucoup appris sur sa communauté d'origine.

En face de la maison Daltrophe, Gaston, Yitzhak ben Yohanan, fils de Roger et Marthe, et son épouse Myriam Daltrophe, née Lévy, fille de Albert Lévy, Hillel ben Moshé, de Maizières-les-Metz, inhumé à Ennery.

En continuant, côté gauche, après Marthe Daltrophe, Léontine Bauer (Léa bass Leïbell) née Rueff, son gendre Louis Beluche et sa fille Jeanine (Feigele bass Léa), leur fille Jacqueline (Malka bass Feigele), épouse Oliva. Un fils de madame Bauer, Jacques, a été fusillé par les Allemands pendant la guerre.

Continuons du côté droit de la route, jusqu'à la maison de madame Berthe Caïn, veuve, née Mantoux de Commercy. J'ai connu dans cette maison, la maman, Berthe Cam, une fille Emilie dite Mimie, Charlotte dite Lolotte, Lucien dit Loulou, une fille dite Nénette, mariée à Paul Lévy (Foulche ben Borich, Rafaël fils de Barouh) de Blamont, ainsi que leurs deux filles et un gendre, Raymond Worms, ainsi qu'un autre fils Caïn, marié à Metz à Suzanne, née Hayem, dite Suzon, et leur unique fils François dit Françou. Un autre fils, Jean, a été déporté. Il était marié à Chalons-sur-Marne.

Toujours côté droit, avant le Café-hôtel François, la magasin de journaux et papeterie de Raoul Moyse et son épouse Fernande, née Caen, et leur fils Claude. Raoul Moyse était originaire de Rosières aux Salines, en Meurthe et Moselle. Claude avait épousé Nicole Mayer, de Metz, fille de René et Yvonne Mayer, marchands de meubles rue des Clercs, dits Mayer Frères meubles. Raoul Moyse avait eu une soeur déportée. Ses deux neveux et nièces de Paris venaient à Delme passer les fêtes, ainsi qu'une soeur et un beau-frère de Fernande, Madeleine née Caen, épouse Picard et leurs deux enfants, Etienne et Yvonne Picard.

Delme sur une carte postale ancienne - coll. © M. et A. Rothé

Restons du côté droit et après le Café-hôtel François de la 12ème borne, une petite ruelle côté droit et le magasin de tissus confection de Robert Worms et son épouse Suzanne, née Moïse, leur fils Jacky et leur fille Nicole. Jacky fera son service militaire en Algérie et épousera Claudine née Baumann de Mutzig. Laurence, aujourd'hui épouse Reiss à Metz, sera leur fille unique. Nicole épousera Francis Wolff d'Alsace, opticien à Saint-Etienne. Les jours de fêtes, la maison des Worms de Delme comme d'ailleurs la plupart des maisons juives à Delme, était le lieu de rencontre favori des proches et lointains parents ou amis venus se retremper dans l'ambiance harmonieuse et familiale créée par la vie communautaire delmoise. Plus tard, les Worms quittèrent Delme pour aller à Metz. C'est à Metz que décédèrent, d'abord Suzanne puis plus tard Robert Worms. Robert Worms était né à Servigny-les-Raville. Suzanne était la fille d'Ernest et Aline Moyse de Louvigny, tous les deux déportés.

Quittant la ruelle des Worms et revenant vers la place centrale de Delme, face à l'Hôtel François, vivaient dans une très grande et jolie maison Oscar Lévy et son épouse Denise née Horvilleur de Rémilly, ainsi que leur fille unique Colette et son époux Georges Silberschmidt, ce dernier venant de Thiaucourt, ainsi que leurs enfants Martine, Danielle, Nadine et Hervé. C'était une maison exceptionnelle et de partout y affluaient famille et amis, de Boulay, de Thiaucourt, de Metz, de Paris - impossible de tout citer -, à l'occasion des fêtes de Rosh-Hashana et de Kipour. Les parents, Maurice Silberschmidt et l'oncle Paul Silberschmidt de Thiaucourt, avec la tante Georgette et leur fille Nicole la famille Edgar Hanau de Thiaucourt, la famille Eichenwald de Château-Salins, Michel Alexandre et la tante Lucie de Boulay; les Rubinstein de Paris, Loulou, Lucien Horviller et tante Nadine de Metz ; Lucien Caen et tante Rose de Metz, soeur d'Oscar; la tante Marcelle, soeur de Georges, employée aux disques Barclay à Paris. Coco Alexandre de Metz et sa famille, amis des Silberschmidt, et tant d'autres encore ; Madame Maurice Silberschmidt de Thiaucourt, mère de Georges, était née en Suisse, de la famille Nordman. Sans toutefois oublier de mentionner également Raymond Silbersclnnidt, également frère de Georges et Marcelle, domiciliée à Thiaucourt. C'était, ainsi que je l'écris, une maison bouillonnante que celle d'Oscar Lévy, de "tante"» Denise, de Georges et Colette Sitbersclunidt.

Continuant la rue de Viviers, côté droit, un peu avant le petit pont, demeurait Madame Camille Vorms, veuve d'André Vorms. Elle était originaire de Niedervisse et avait une fille unique, Françoise. Camille avait recueilli chez elle à Delme son père veuf, Maurice Cerf de Niedervisse. C'est en 1959 vers Pessah, suite à une maladie, qu'il décédait à Delme où il est inhumé dans le cimetière juif route de Viviers. Françoise épousa un professeur originaire de Merlebach, monsieur Trouilly.

Revenons encore un instant en arrière. La tante Georgette Silberschmidt de Thiaucourt, née Marx, veuve de Paul, était originaire de Nancy. Elle m'a souvent raconté que ses parents tenaient une "garlcich", c'est-à-dire un restaurant cacher à Nancy. J'allais d'ailleurs assez souvent à Thiaucourt rendre visite aux Silberschridt, ainsi qu'à la famille Hanau. Tante Georgette avec sa fille Nicole habitaient 4 rue du Lot à Thiaucourt. Les Juifs de Thiaucourt ont pour lieu d'inhumation le cimetière juif de Pont-à-Mousson. C'est là que j'ai, au Jahrzeit de Maurice Silberschmidt, et à la demande de la famille, fait et dit les prières lors de la pose de la pierre tombale du regretté Moshé Maurice Silberschnridt. Qu'il repose en paix.

Revenons à présent au village, venant de chez Camille Vorms, par une petite ruelle, là où se trouve encore à ce jour une maison qui fut jadis l'ancienne choule de Delme. Bien souvent Henri David m'y emmenait et me disait : "c'est ici que nous allions au 'heder (cours d'instruction religieuse)". Il ne l'a jamais oublié.

Alors que me voilà dans ma description des familles juives demeurant au village, arrivé à peu près au coeur du bourg, et avant de continuer, je veux placer dans mon récit et ainsi faire honneur à la famille David qui m'a-t-on toujours dit à Delme, fut de tous temps au coeur de la vie juive du village.

Désiré David, le père de la lignée que j'ai connu à Delme, demeurait jadis non loin de là, à Thionville, près de Tragny. Il avait épousé Berthe Grumbach, de Bollviller en Alsace. Ils eurent cinq enfants. J'en ai connu quatre : Rémi, Joseph, Alice et Hubert, un autre était décédé en jeune âge. Les David sont venus habiter Delme qui disposait d'une forte communauté d'environ 40 familles.
Très pratiquant, Désiré transmit à toute sa famille cette foi en Dieu et leur servit d'exemple. Henri m'a souvent raconté que son père tardait quelque peu pour aller à la choule parce que, disait-il, il faut y aller avec empressement, ce qui faisait qu'il y courrait constamment, puisque demeurant en face de la choule. Désiré et son épouse sont enterrés au cimetière de Delme. Henri avait épousé Aline, née Hayem, de Metz. Leur seul fils est Pierre, demeurant dans la maison paternelle à Delme avec son épouse Solange, venue de Strasbourg.
Joseph David épousa une fille Meyer de Nomeny. Ils eurent deux fils : Antoine et Richard. Richard décéda et Joseph, son père, également décédé, sont inhumés à Delme. Joseph demeurait à Essey-les-Nancy. Alice David épousa Raymond Job de Sarrebourg. Ils eurent des filles. Tante Alice et tonton Raymond, je les ai connus lorsqu'aux fêtes, ils venaient à Delme. Quels braves gens !
Hubert David dit Bébert, très instruit, tomba malade au moment où il passa et réussit son bac. Hélas, ensuite, il passa ses jours dans un home juif à Nancy. Je suis allé le voir afin de le connaître et ainsi que son frère joseph. C'est moi qui les accompagnant à Delme à leur demeure éternelle, leur rendit les derniers honneurs lors de leur décès. Voilà décrit brièvement l'une des très grandes et illustres famille juive de Delme. La communauté leur est redevable de tellement de grandes oeuvres.
Thierry, Marc, Antoine à Lausanne, ainsi que la descendance de Tante Alice et tonton Raymond restent encore et toujours bien dans la lignée ancestrale et en assurent la continuité ainsi que la pratique religieuse. A ce jour encore (2004), je suis constamment informé par les membres de la famille de tous leurs événements familiaux.

Revenons au centre-ville et dirigeons-nous vers la sortie, vers Château-Salin, à quelques mètres de l'Eglise, sur la place du monument aux Morts et aux Déportés. A chaque cérémonie commémorative, la communauté juive était présente, unie avec l'ensemble des associations patriotiques locales. De même nous étions présents en ces occasions lorsque nos frères et concitoyens catholiques célébraient dans l'église paroissiale des services commémoratifs. De la même manière, eux-mêmes et toutes les autorités et associations locales assistaient dans notre synagogue lorsque nous commémorions nos déportés et autres célébrations patriotiques. Ce fut Brigitte Caen qui lut les noms de nos déportés au monument aux morts lors de l'inauguration de la plaque commémorative.

Face à la place du monument aux morts, en traversant la grande route, une ruelle dans laquelle demeurait un jeune ménage juif André et Claudine Nabet et leurs deux enfants Jacky et Dominique. Bien souvent j'étais invité à leur table le Shabath ou aux fêtes. André était chirurgien-dentiste à Delme et sa femme Claudine, née Jacob, était pharmacienne. André Nabet était juif séfarade, sa famille, originaire de Oujda, demeurait à Nice. J'ai connu toute cette famille lors de la célébration dans la choule de Delme de la bar-mitzva de Jacques, parachath Pinhass. Solange David l'initia à sa bar-mitzva.

Revenant quelques pas en arrière vers la grande route et remontant vers la sortie du village, côté droit, la maison de Robert Caen et Simone, née Daltrophe, soeur de Gaston Daltrophe. Là également, quelle maison à l'accueil généreux ! Robert Caen, Borich ben Bärche, Simone Sorele bass Johanan, les enfants Bernard Bärche ben Borich, Jacqueline, Lyse, Brigitte. Durant mes vingt ans passés à Delme, combien de fois n'ai-je pas partagé avec eux Shabath et fêtes. Je me souviens également des soirées du Séder passées avec toutes et tous. Quelle ambiance !
Pendant quasiment quarante années, Robert avait eu à son service un commis considéré comme le fils de la maison, Joseph Bohrer, Yossef ben Tzwi Arié Haleïvi (Aidé), juif d'origine polonaise, célibataire. A sa retraite, il termina sa vie à Nancy où est il est inhumé. Robert Caen décéda vers Rosh Hachana 1975. Bernard habite Metz avec son épouse née Lydia Maman. Lyse, épouse Sulzer, habite Horbourg. Jacqueline, épouse Dreyfuss, habite Villé. Brigitte, épouse Marx habite Toul.

J'arrive à présent à la dernière famille juive du village, quasiment en face des Caen, à la sortie de Dehue vers Château-Salins. Fernand Jacob, son épouse Germaine, Claudine, épouse Nabet déjà cités, Dany et Lucette. Claudine a épousé André Nabet, Dany a épousé à Londres Thomas Forgaty, ,Lucette a épousé Marcel Bensmihen.

Dans cette maison, comme d'ailleurs dans toutes ou presque, j'ai vingt ans durant été l'invité des Shabaths et fête, et aussi célébré des Séder à Pessah. Fernand était né à Cattenom et allait à la choule à Sentzich, m'a-t-il toujours raconté. Germaine était née à Uckange. J'ai eu le devoir de les accompagner à leur dernière demeure à Uckange où ils sont tous deux inhumés. Fernand - Yaakov Ben Moshé, Germaine- Gittele bass Nathan Haleïvi, tous deux très braves.
Fernand avait acheté la maison où ils demeuraient, au notaire Maître Frantz qui quitta Delme pour Metz. De mon temps, Fernand fit construire à côté une plus petite maison dans laquelle il emménagea et son gendre Nabet reprit la magnifique demeure et y exerça sa profession de dentiste. Fernand a eu pendant de longues années un commis, homme honnête et fidèle. On l'appelait le Médé, sans doute Amédée.

Château-Salins

Voilà donc citées les familles juives de Delme. J'avais également pour mission de m'intéresser aux autres familles des communautés juives disparues et dont quelques unes demeuraient dans ces endroits. Aussi leur rendais-je régulièrement visite une ou deux fois l'an et ainsi nous nous connaissions respectivement. Château-Salins ainsi que Vic-sur-Seille étaient jadis, ainsi que Chambrey, des communautés autonomes. Les règlements ou autres prescriptions de l'église ne leur avaient pas accordé le droit de créer des cimetières juifs. Donc ces trois communautés ainsi que Liocourt devaient inhumer leurs défunts au cimetière juif de Delme.

M'intéressant à tous ces braves gens, j'ai connu et visité à Château-Salins, Lucien et Renée Vorms, née Moïse, à Delme et leurs fils Raymond et Claude Vorms. Durant mon service à Delme, j'ai eu le devoir de rendre honneur à Renée en l'accompagnant à sa dernière demeure à Delme.

Encore à Château-Salins, Madame Lévy et son fils Jean Lévy, marchands de grains. Madame Lévy était née Roos de Haguenau. Lors de son décès, je l'ai accompagnée à Delme à sa dernière demeure.

Lucien Vorms, ainsi que sa famille, venaient passer régulièrement les fêtes à Delme, il était un fidèle de notre choule. IL avait acheté à Château-Salins, 8 rue de Strasbourg, le terrain de la choule détruite, m'a-t-il bien souvent raconté. Leur fils Raymond quitta Château-Salins pour s'installer comme carrossier à Nancy. Le second fils Claude était journaliste à Epinal.

Encore à Château-Salins, la famille Eichenwald, Madame Eichenwald, veuve, ses fils Robert et Bernard, confiserie en gros, auxquels je rendais parfois visite. Toujours avec le même accueil chaleureux, ils me comblaient de confiserie pour ma famille. Ils venaient à la choule à Delme et à Kipour, ils logeaient à l'Hôtel François et étaient invités à manger chez Lévy-Silberschnidt, en face.

Ni Henri David ni moi n'avions jamais connu ni entendu parler de Jeanne Ginting, née Salomon, jusqu'au jour de son décès. Son fils, chauffeur de poids lourds demeurant à Morhange, s'adressant à l'archiprêtre de Château-Salins, acte de décès en main, et ce dernier ayant lu "confession israélite" sur l'acte, dit au fils de la défunte qu'il ne pouvait inhumer sa mère (juive) au cimetière catholique de Château-Salins où pourtant était inhumé son mari, M. Ginting. Il lui conseilla de s'adresser à la communauté juive de Delme. C'est ainsi que je l'accompagnais à sa dernière demeure.

La communauté juive ainsi que la ville de Château-Salins peuvent s'honorer d'avoir vu naître en leur sein Arsène Darmsteter, linguiste né à Château-Salins en 1846 et qui a développé en France l'étude des langues romanes. La famille était originaire de Darmstat en Allemagne, à l'Est de Mayence. Château-Salins lui a consacré une rue.

A l'hôpital-hospice de Château-Salins, j'avais, lors d'une visite à une malade juive de Delme, remarqué à l'entrée de l'hôpital une plaque commémorative du Comité des Dames Castelsalinoises qui avaient créé "L'armoire lorraine", association d'aide aux jeunes filles à marier pour constituer leur trousseau. Parmi les honorables donatrices-bienfaitrices, j'avais relevé plusieurs noms de femmes juives de Château-Salins, inscrits en lettres d'or sur cette plaque. Honneur à la communauté juive de Château-Salins.

Vic-sur-Seille

Vic-sur-Seille, ancienne communauté juive, ancienne résidence épiscopale, siège des évêques de Metz, nous enseigne l'histoire. M'intéressant depuis toujours à ce que fut notre histoire en Lorraine, j'ai su que la choule avait été située rue d'Alain et fut jadis une chapelle rachetée par les Juifs de Vic pour en faire leur choule. Je m'y suis souvent rendu et j'ai rendu visite aux quelques familles juives y demeurant. En fait, il s'agissait d'une seule famille. Le père, Henri Lippmann avait créé une épicerie, très appréciée d ans l'endroit ainsi qu'aux proches environs. J'ai connu Monsieur Henri Lippmann, retraité, alors que ses fils continuaient à exploiter l'affaire familiale. II y avait aussi deux filles, une mariée dans le village avec un facteur, M. Bouc. Lui rendant visite, elle se souvenait encore de son nom en hébreu, m'a-t-elle dit. L'autre fille Lippmann était mariée en Amérique. Je ne l'ai jamais connue. Au cours de mes vingt ans à Delme, j'ai accompagné à leur dernière demeure au cimetière juif les vieux parents Lippmann, ainsi que les frères Lippmann, les trois fils. Leurs épouses étaient toutes trois de confession catholique. Monsieur Henri Lippmann père m'a raconté qu'il avait de la proche famille à Nancy. J'en ai connu quelques-uns venus aux obsèques à Vic et à Delme. Ils étaient antiquaires à Nancy.

Présence du grand rabbin de la Moselle

Voici donc décrite la répartition géographique des juifs de Delme, Liocourt, Château-Salins et Vic-sur-Seille. Il était connu et répandu dans les environs qu'à Delme existait et revivait une vie communautaire juive calme et harmonieuse. Ce qui faisait que des juifs venus de Morhange, Dieuze, Nomeny où était venue s'installer une famille juive séfarade de professeurs, Tincry où un juif de Metz avait de la famille, ou encore de Rémilly, tous aimaient venir à la choule à Delme. Parfois aussi de Thiaucourt, Julien Mantoux de Conunerey, Essey les Nancy, Sarrebourg, voire de Boulay, Metz, Strasbourg ou de Paris venaient des coreligionnaires qui animaient toujours agréablement notre vie communautaire.

D'autre part, chaque armée, en général après Pessah, nous avions pour un Shabath complet la présence du grand rabbin de la Moselle, Roger Kahn. Je l'accompagnais visiter chaque famille juive du village après la choule.

Le rabbin Roger Caen de Strasbourg, directeur de la Yeshiva d'Aix-les-Bains, bien introduit dans toutes les communauté, passait à Delme deux fois par ans, à Pessah et Rosh-Hachana, et collectait des fonds pour sa yeshiva. A Delme également, ou l'accueillait généreusement et il aimait y venir.

Activité religieuse

D'obédience traditionaliste, la vie et l'activité religieuse de la communauté, comme partout ailleurs, étaient rythmées par le Shabath et les fêtes. Par manque d'effectifs, le Shabath, le minyan (quorum) était parfois difficile à assurer. Le président Henri David était toujours très préoccupé afin d'assurer le minyan, mais grâce aux mariages, en particulier de son fils Pierrot David avec Solange Dranesas de Strasbourg, de Jacky Worms avec Claudine Baumamn de Mutzig, de Claudine Jacob avec André Nabet, Delme a connu une période de renouveau juif A l'occasion des fêtes, il a toujours été possible d'avoir de beaux minyans : parents, enfants, proches, tous venaient passer les jours de fêtes en famille, ce qui créait une vraie ambiance juive agréable à la choule, dans le village et dans les familles.

Delme sur une carte postale ancienne (la synagogue au fond)
coll. M. et A. Rothé
A Pourim, j'avais amené de Metz, en plus de toute ma famille, un 'hazan retraité vivant au home israélite de Metz, Monsieur Teitelman. La lecture de la Meguilah terminée, les dames de notre communauté avaient préparé soit chez Myriam Daltrophe, soit dans la maison David, soit chez Silberschmidt, un véritable festin de Pourim. Une autre année, j'avais amené de Metz Monsieur Wolf Loriner, excellent lecteur de Meguilah et ce fut ensuite une soirée de Pourim animée et joyeuse. Une autre année encore, la communauté avait réservé à l'Hôtel François, au centre-ville, un salon au 1er étage, et ce fut là encore très agréable.

A l'occasion de Pessa'h, nous faisions le Séder, ainsi que je l'ai déjà écrit auparavant, en général dans les familles du village dans lesquelles vivaient des enfants. On y invitait également des personnes vivant seules ou éloignées, mais en général surtout des membres de la famille venus de l'extérieur passer Pessa'h en famille à Delme. Chaque famille avait acheté avant la fête les produits Casher LePessa'h chez Simon à Metz et la traditionnelle carpe également à Metz à la poissonnerie Clément connue de tous les Juifs de Moselle.

Pour Shavouoth, toutes nos dames et enfants apportaient à la choule des seaux garnis de très belles fleurs, produits de leurs jardins et cela sentait fort tous ces deux jours de yonteff (fête).

Avant Rosh Hashana, le dimanche matin à 11 heures, nous nous réunissions tous à l'entrée du cimetière pour la Cérémonie du Souvenir et du recueillement des Selihoth. Ensuite, j'allais à côté de la choule chez Marthe Daltrophe qui conservait dans un carton les ornements blancs de la choule que je préparais pour la fête. Tout en blanc. Ainsi, nous célébrions Rosh Hashana et Kippour avec toute la solennité requise pour ces jours. A Soukoth, j'apportais de Metz avec moi loulav (palmier) et ethrog (cédrat). Hanouka également était fort bien fêté.

Concernant l'éducation religieuse, j'avais créé un lernen (soirée d'études) pour Shavouoth dans la maison de Gaston et Myriam Daltrophe, et un lernen pour Hoshana Raba, une année dans un salon réservé à l'Hôtel François et une autre année dans la maison de Raoul et Fernande Moyse.

Concernant les enfants, j'avais transmis au grand rabbinat de Metz la liste des enfants juifs de Delme. Ainsi, dans la maison Lévy Silberschmidt venaient de Metz une fois par semaine, pendant un certain temps, Guy Lévy, animateur pour la jeunesse, Albert Moyal, instructeur, puis Léon Elalouf, animateur des jeunes. Quand plus tard le grand rabbin Kahn créa rue Saint-Pierre à Metz-Sablon un foyer-école pour enfants juifs, j'y fis inscrire en accord avec leurs parents : Jacqueline Caen, Martine et Danièle Silberschmidt. Pour Hervé Silberschmidt, j'avais pris des contacts avec l'école Aquiba à Strasbourg.

Les deux cimetières juifs de Delme

Situé route de Viviers, l'actuel cimetière fut toujours fort bien entretenu. Côté gauche, à l'entrée, se trouvait la maisonnette qui faisait office de morgue, avec un puits et un endroit pour chauffer l'eau et veiller les morts. Par la suite, devenue trop petit, on rajouta une parcelle de terrain au cimetière. Henri David m'a toujours dit que ce terrain provenait d'un legs fait à la communauté par Roger Daltrophe de son vivant.

Confirmant l'importance et l'ancienneté de la communauté juive, il existe à Delme un ancien cimetière situé sur le chemin dit du "petit ruisseau", la ruelle descendant le long de la poste et du garage Silvestre. Henri David m'en ayant beaucoup parlé, j'y suis allé un jour, bravant ronces et épines. Difficile d'y voir les tombes et l'idée de le restaurer m'a longtemps travaillé. Aussi, un dimanche matin, après en avoir avisé mon épouse, je partis tôt de Metz vêtu de vêtements de travail, armé de serpes, de pelles et de pioches, et me rendis à Delme. Je commençais à défricher seul un coin de ce cimetière et continuais ainsi plusieurs dimanches de suite, sans en parler à quiconque. Henri David en fut informé et à l'occasion d'un Shabath, il m'en parla. Ne pouvant que confirmer la chose, il m'a dit vouloir continuer le travail entrepris et a embauché deux garçons de Delme qui louaient leurs services comme journaliers et ainsi reparut propre, soigné et décent cet ancien et vénéré champ de repos. Monsieur David m'a dit que cela avait coûté 500 francs de l'époque. Aussi, une année, nous avons fait à selihoth, après la cérémonie route de Viviers, une deuxième cérémonie devant ce cimetière. Parmi les tombes, j'ai pu lire des épitaphes de juifs de Bacourt, Chambrey et Donnelay.

Ayant conservé précieusement des documents ayant rapport avec mes vingt années passées à Delme, je pense que ces écrits apporteront à tous mes coreligionnaires qui vivent encore à Delme, ainsi qu'à tous mes chers amis delmois de toutes confessions, la preuve de la richesse spirituelle de notre communauté israélite de Delme. Je garde en moi précieusement le souvenir de ces années durant lesquelles je pense avoir donné tout ce qui était en mon pouvoir au service de la communauté israélite de Delme ainsi qu'à la cité delmoise.

Des ministres officiants dévoués

Il serait grave et impardonnable si j'oubliais de citer combien furent dévoués à la communauté juive de Delme les ministres-officiants qui l'ont orienté spirituellement. Ceux qui me sont connus furent M. Franck dont la tombe au cimetière de Delme témoigne d'éloges pour quarante ans de service dévoué à sa communauté. M. Bacon, ministre-officiant à Delme dont la fille Madeleine, épouse Goldstein, née à Delme, demeure à Jérusalem et m'a très aimablement offert la photo de son père. Hermann Markowitz, né en Pologne, grand érudit, fut d'abord ministre-officiant à Freistroff, puis à Niedervisse où il épousa Bertha née Cerf, puis à Delme de 1923 à 1928. Leur fils unique Roland, naquit à Delme. Hermann Markowitz quitta le village pour l'Amérique et revint en 1971 faire un pieux pèlerinage dans la communauté de Delme. Notons également que Markowitz était aussi mohel-circonciseur. M. Saler fut le dernier 'hazan d'avant la seconde, guerre mondiale. Hélas, i1 fut déporté avec sa famille et ne revint pas. Henri David a fait apposer dans notre choule de Delme une plaque commémorative en mémoire des déportés juifs du village sur laquelle est inscrit son nom.

Maires juifs et conseillers municipaux

N'oublions pas non plus les dévoués membres de la communauté juive delmoise qui furent, pour leur compétence, leur probité, leur loyauté, élus maires de Delme. L'abbé Marange les cite dans son livre Delme et son histoire : David Vorms, maire en 1842, Abraham Vormus, maire de 1872 à 1892, Emile Worms, maire de Delme de 1925 à 1935.

Plus près de nous, les honorables membres de notre communauté qui furent conseillers municipaux et plus particulièrement Robert Worms que le premier ministre M. Messmer décora pour plus de 26 ans de service à la commune de Delme. A l'instar de notre dévoué coreligionnaire Gaston Daltrophe, beaucoup de nos jeunes furent membres d'associations locales ou de clubs sportifs. Je pense en particulier à Jacky Worms, Georges Silberschmidt, Bernard Caen, Pierre David.

Des rapports courtois et loyaux avec le personnel enseignant

Il m'appartient également d'écrire combien furent comtois et loyaux les rapports qu'entretenait notre communauté ainsi que moi-même avec tout le personnel enseignant des écoles de Delme. Je retiendrai tout particulièrement mes excellents rapports avec l'archiprêtre Baldeweck ou encore avec l'abbé Maillet, aumônier des Bénédictines d'Oriocourt. Sur son invitation, je lui rendis un jour visite chez lui et il me fit faire le tour du couvent et de la chapelle. Ayant appris mon départ de Delme, il me fit demander un rendez-vous pour me faire ses adieux.

Soeur Jeanne faisait partie de la famille

J'ai laissé volontairement pour la fin mes excellents rapports avec les soeurs enseignantes : soeur Marie, soeur Jeanne, soeur Albert de Coume, près de Niedervisse. Soeur Marie et soeur Jeanne étaient nées à Mercy-le-Haut, lieu de naissance du Président de la République Albert Lebrun. Soeur Jeanne de Valois, lorsqu'elle allait les jeudis à Metz aux achats à la librairie Paul Even, ne manquait jamais de venir chez nous, 6 rue des Trinitaires, partager notre repas de midi. Elle faisait partie de la famille. Quand elle se retira, très fatiguée et malade, à la maison des soeurs de Jouy aux Arches, je lui ai souvent rendu visite. J'étais également présent lors de son enterrement à Jouy aux Arches, au nom de notre communauté ; n'avait-elle pas eu nos enfants juifs comme élèves des années durant ?

Rosch Hashana à Dieuze

1976. Alors que suite au dépeuplement de la communauté juive de Delme, nos effectifs étaient fort réduits, et en reconnaissance envers les juifs de Dieuze venus souvent grossir nos rangs à Delme, Henri David avait décidé que cette aimée nous irions célébrer Rosch Hashana à Dieuze. Ce qui fut fait. Ainsi, j'ai également connu et officié pour la communauté delmoise et pour celle de Dieuze dans sa jolie choule dont Monsieur Robert Mantoux était à cette époque le président.

Ensuite, je suis parti vivre en Israël.

Voici donc terminé mon récit concernant la communauté juive delmoise ainsi que les communautés affiliées de Liocourt, Bacourt, Château-Salins, Vic-sur-Seille. Ma mémoire leur sera éternellement fidèle.

Au moment du recensement des juifs de l'hexagone en 1808, sous Napoléon 1er, on comptait 2 contribuables à Delme, 5 à Tragny, 1 à Morhange, 1 à Château-Salins, 5 à Chambrey, 8 à Liocourt, 7 à Gelucourt, 2 à Dieuze. Ce rôle des contribuables membres de la ci-devant communauté des juifs de Metz (9 mai 1811) fut levé pour l'extinction des dettes de la communauté et de la généralité de Metz. Au total, 728 contribuables étaient imposables selon leur "état de fortune".

Alphonse Cerf, 'hazan de Delme, 1958-1978
Jérusalem, mai 2004, année 5764 du calendrier hébreu


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