‘Hanouka
Allocution prononcée par le Rabbin Ernest Gugenheim au Stalag



Hanoukia (lampe de Hanouka) - fin 18e s. ; laiton coulé ;
Coll. Musée Alsacien de Strasbourg / SHIAL
Ce soir, mes amis, c'est une des plus populaires d'entre nos fêtes que nous abordons, la fête de חנוכה (Hanouka), fête de l'Inauguration du Temple. Je ne doute pas que la plupart d'entre vous aient plus ou moins souvenance des événements historiques qui en sont à l'origine. Mais cependant il n'est pas mauvais, je crois, de rappeler, assez brièvement d'ailleurs, cette histoire dont de nombreux épisodes sont dignes à plus d'un titre d'être mentionnés et médités.

Cette histoire des Macchabées, car ce sont eux les héros de notre récit, nous transporte en Judée, la Palestine d'alors, au 2ème siècle avant l'ère chrétienne. A cette époque, la Judée était tombée sous la domination des rois de Syrie, les Séleucides, après la mort d'Alexandre le Grand et le partage de son Empire entre ses principaux généraux. Ce fut pour les Juifs une période bien douloureuse et fertile en malheurs.

Mais comme de juste, ce furent naturellement les Juifs eux-mêmes les principaux responsables des malheurs qui leur survinrent. C'est qu'il y avait parmi les Juifs d'alors, qui ressemblent d'ailleurs beaucoup à ceux d'aujourd'hui, un certain groupe de personnages qui, par opportunisme, pour se faire bien voir jugeaient intelligent d'imiter, de singer les coutumes alors en usage chez les maîtres de l'heure. Ils ouvrirent donc de magnifiques stades, construisirent de belles piscines où, à l'égal des sportifs grecs et syriens, les jeunes éphèbes faisaient admirer la splendeur de leurs corps nus. Ils changèrent leurs noms contre d'autres à consonance grecque, des Jason, des Alexandre, des Ménélaüs, qui cachaient mieux l'origine et la qualité de leurs porteurs et, en général, ils essayèrent de s'assimiler entièrement les mœurs de ceux qui les entouraient. Mais non contents de cette attitude indigne, ils allèrent même suggérer aux gouvernants l'idée d'instituer une religion unique dans tout le royaume.

Cette idée fit son chemin et bientôt le roi Antiochus, surnommé pour son orgueil démesuré Epiphane, i.e. l'Illustre, publia le décret qui établissait partout la religion païenne de Zeus Olympien et l'interdiction absolue d'observer tout culte, toute coutume particulière. Des fonctionnaires furent chargés de faire exécuter ces ordres dans toute leur rigueur et l'on s'attaqua évidemment de préférence à ces pratiques connues de tous et qui de tous temps différenciaient les Juifs le plus de tous les autres. C'est ainsi que l'on défendit d'observer la circoncision, le Sabbat, que l'on voulut les obliger à manger du porc et autres aliments interdits, à adorer les statues et les idoles païennes. Toute infraction à ces ordres était punie de mort.

Un grand nombre de Juifs, poussés par la crainte ou alors attirés par l'appât d'une récompense, cédèrent assez facilement aux menaces et n'hésitèrent pas à transgresser les plus saintes d'entre leurs lois. D'autres cependant furent inébranlables et préférèrent la mort et les souffrances du martyr à l'abandon de leur foi. Et l'on cite l'exemple d'un vieillard de 90 ans, le vieil Eléazar, qui préféra mourir plutôt que de feindre même de transgresser la loi, car il refusa obstinément de mangerde la viande de porc et même de la viande rituelle qu'on lui présentait comme telle. Car, dit-il, il ne voulait pas couvrir de honte ses cheveux gris, ni donner à la jeunesse l'exemple de l'hypocrisie. On raconte aussi l'histoire tragique et émouvante de cette mère qui dut assister au supplice de ses sept enfants qui supportèrent leurs tortures avec un courage et une constance inébranlables et endura elle-même ensuite le martyr.

Cependant, le signal de la révolte ouverte fut donné par un prêtre du nom de Mattathias. Les fonctionnaires syriens avaient établi, à travers toute la Judée, des jours spéciaux où les Juifs étaient invités à rendre publiquement hommage au culte païen et à adorer des statues spécialement dressées à cet usage. Ils arrivèrent aussi au village de Modiîn où Mattathias s'était réfugié. Déjà un juif s'approchait pour se prosterner devant l'idole. Plein d'indignation, Mattathias se précipite, tue le juif apostat, abat l'officier grec, renverse la statue. Ce fut le signal. Pour échapper à la vengeance inévitable des autorités occupantes, Mattathias et ses cinq fils prirent le maquis. Bientôt ils furent rejoints par tous les juifs pour qui patriotisme et religion n'étaient pas un vain mot et qui ne supportaient qu'avec impatience le joug de la domination étrangère.

La petite troupe grossit rapidement et bientôt Mattathias, déjà âgé, en confia le commandement à son fils aîné Judas. Très vite ce dernier acquit la réputation d'un grand capitaine et comme il savait frapper dur, ses hommes lui donnèrent le surnom de Maccabi, du mot hébreu Maqab, qui désigne le marteau. Le roi Antiochus envoya des détachements d'abord peu importants pour réduire ce qu'il appelait ces bandes terroristes. Mais devant les succès grandissants de Judas Maccabée, il fut obligé de faire appel à des forces plus importantes sous la conduite de ses généraux les plus valeureux. Les adversaires se rencontrèrent et ce furent les célèbres batailles de Beth Zur et d'Emmaüs. Malgré un ennemi bien supérieur en nombre, les troupes juives remportèrent deux victoires complètes qui leur ouvrirent le chemin de la capitale.

Un spectacle désolant les y attendait : le sanctuaire était souillé, ses portes abattues et brûlées, et tout était livré à l'abandon et à la dévastation. Mais ils se mirent courageusement à l'ouvrage et c'est le 25 Kislev, en l'an 165, que tout fut prêt pour la Réinauguration du Temple. Cependant, nous apprend le Talmud, il manquait l'huile sainte pour allumer la lumière perpétuelle du Temple. Après de longues recherches, on finit par découvrir dans un recoin une petite fiole qui portait encore le sceau, le cachet du grand-prêtre. Et c'est alors que se produisit le miracle : cette huile qui semblait ne devoir durer qu'un jour dura huit jours, de sorte que l'on put faire la jonction avec la nouvelle récolte. Le peuple entier célébra donc pendant huit jours cette fête avec de grandes marques de joies et de réjouissances. Avec une douce mélancolie, ils rappelaient la fête de Soukoth qu'ils avaient récemment encore dû passer dans les cavernes du maquis, dans la crainte et l'angoisse. Et c'est pour commémorer ces victoires et ces miracles que Judas et ses frères décidèrent que chaque année, le 25 Kislev, Israël célébrerait pendant huit jours, dans la joie et par les lumières, la fête de חנוכה, la fête de l'Inauguration, la fête des Lumières.

Mes amis, vous n'aurez certainement pas été sans remarquer le rôle non seulement important, mais primordial que joue la lumière dans nos pratiques religieuses. Nous avons les lumières de חנוכה, mais nous avons aussi les lumières du Sabbat et nous avons la lumière de deuil. C'est qu'elle est le symbole de l'esprit en lutte avec la matière et qui finit par l'emporter sur cette matière et c'est qu'elle est l'image de l'âme immortelle qui survit à la mort de son enveloppe corporelle et mortelle. Et comme une faible lueur suffit pour dissiper les ombres d'une nuit profonde, ainsi un peu de lumière peut dissiper l'obscurité de la bêtise et les ténèbres de la méchanceté. Ne manquons jamais d'allumer les lumières de חנוכה, de peur de négliger la lumière du Sabbat et de peur d'oublier la lumière de deuil. Ce sont des phares qui brillent pour nous dans n'importe quelle situation où nous nous trouvons – lumière signifie foi, courage, espoir. Honte à ceux d'entre nous, descendants de tels ancêtres, qui se laissent aller au découragement, à l'abattement. Puisons, au contraire, une énergie toujours nouvelle dans notre histoire, dans nos symboles, dans nos traditions et que retentissent toujours en nous ces paroles du Psalmiste : Aies confiance en l’Eternel, courage et que ton cœur soit ferme, oui, aies confiance en l’Eternel !


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