Un maître et un bâtisseur
par Evelyne Wildenstein
(Interview donnée à radio-judaïca, diffusée le 23.11.99 à 19h35)


Je voudrais saluer avec émotion le souvenir du grand rabbin Abraham Deutsch za”l, de qui j’ai eu l’honneur d’être la secrétaire pendant cinq ans, à partir de 1949.

Il avait été dès mon jeune âge mon maître, et j’avais un grand plaisir à travailler avec lui; notre relation était amicale, affectueuse, considérant le couple comme mes seconds parents.

Après la guerre, au retour en Alsace, il eut à fournir une surcharge de travail; debout avant 5 heures 30, ses journées se terminaient fort tard.

Il fallut trouver un local pour abriter les élèves de l’école Aquiba, local qui, dans un premier temps, se situait rue du Fossé des Tanneurs. La maison des Déportés, avenue de la Forêt Noire et les Violettes abritaient les internes de l’école.

Le rabbin Horowitz (à droite)
et le rabbin Warschawski
rabbin Horowitz
Les élèves devenant de plus en plus nombreux, il projeta d’acheter le local adéquat, en l’occurrence d’acheter l’immeuble du quai Zorn, et les moyens de trouver le financement de l’entreprise. Il avait en plus de gros soucis quant à l’attribution du salaire des professeurs, et souvent, vers le 20 du mois, il se demandait de quelle façon il pourrait régler les émoluments, mais il y parvenait toujours. Il donnait des cours ou remplaçait des professeurs lorsque le besoin s’en faisait sentir.

En même temps, il poursuivra son œuvre de bâtisseur; il fallait reconstituer la Communauté et songer dans un premier temps à l’aménagement de la synagogue Broglie, puis ensuite à la mise en route du chantier de la synagogue de la Paix.

Il fallait également donner un nouvel essor aux activités communautaires, et engager un Dayan (juge rabbinique), en l’occurrence le rabbin Horowitz.

Jamais le domaine social n’a cessé d’être au centre de ses préoccupations. Il fournissait là aussi un énorme travail qu’il partageait avec Madame Deutsch. Par souci de discrétion, il recevait ses visiteurs dans son appartement de la rue de l’Observatoire, puis à la rue Silbermann et les personnes trouvaient chez le grand rabbin et Madame Deutsch l’aide qu’ils étaient venus chercher.

C’était un homme ouvert, sévère pour lui et les autres, mais de grande bonté. Sa capacité de travail était extraordinaire.

Il assuma également la rédaction du Bulletin de nos Communautés, l’ancêtre de l’actuelle Tribune Juive, dont il rédigeait hebdomadairement les éditoriaux et qui était diffusé dans toutes les communautés d’Alsace et de Lorraine, et dans diverses cités.

En 1969, à l’heure de la retraite, en compagnie de son épouse, il montera à Jérusalem, et continuera d’étudier pour lui-même, et apprendra l’arabe.

C’était un homme hors du commun qui a marqué tous ceux qui l’ont connu, et je continue à vouer à Madame Deutsch, que j’ai eu le bonheur de voir tout récemment, une affection sans limite.


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