Schlomo Bamberger
Rabbin de Sennheim (Cernay)
1835 - 1918
par N. Bar-Giora BAMBERGER
Intervention au Colloque de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine, 10-11 février 1996


Schlomo (Zalmen) Bamberger et son épouse, Léa Adler
Les Bamberger sont une ancienne famille de la tribu des Lévy. Par mon arrière grand-mère nous sommes descendants de Yocheveth, la fille de Rachi et de son mari Meir Ben Kalonymus de Vitry. Ils s'appelèrent plus tard Treve et Loans de Haguenau jusqu'à Josselmann de Rossheim le "Stadlan" appelé "Befehlshaber der Juden", jusqu'à Seckel Loans-Wormser le Rabbin de Fulda qui était le père de Kela, l'épouse du Rav de Würtzburg Seligmann Baer Barnberger. Il fut le premier à porter le nom de Bamberger. Mes efforts sur ce point ne m'ont pas permis de trouver un lien avec la ville de Bamberg. Permettez-moi de vous proposer ici pour la première fois une autre origine. Les initiales en langue hébraïque permettent de trouver : "Bnei Morenou Baer Ben Rabbi Gerschon". Il n'était pas inhabituel à l'époque de former de nouveaux noms à partir d'initiales. Comme par exemple le nom du "Maharam" pour Moreinou Harav Meir ou bien "Asch".
diminutif de Eisenstadt, qui portaient également le nom de Epher, traduction du mot "Asche" en allemand qui signifie "cendre" en français. Deux autres exemples : "Berlin" pour "Bnei Rabbi Lévy" ou bien "Rappaport" qui signifie "Rofé mi Porto" c'est-à-dire "médecin de Porto". Ceci vaut pour l'introduction.

Mon arrière-grand-père, le Rav de Würtzburg, avait six fils dont cinq étaient rabbins et trois filles qui étaient mariées à des rabbins. Mon grand-père, Rabbi Schlomo Zalman était le quatrième enfant, né en 1835 à Wiesenbronn. Avec ses frères il fréquenta d'abord le 'heder (école religieuse) de Rabbi Gershon Halévy. J'ai visité la petite pièce où se tenait ce 'heder à Wiesenbronn, grande comme une petite salle de bains, dans laquelle dix à douze garçons suivaient les cours. Il y avait également une synagogue à Wiesenbronn qui était connue comme la synagogue au plafond bleu parsemé d'étoiles "Der blaue Stemenhimmel". Avant que la maison n'ait été transformée il y a quelques années j'ai pu voir moi-même le plafond d'azur avec les étoiles argentées.

En 1840 la famille s'établit à Würtzburg et Rabbi Zalman termina ses études talmudiques dans la yéshiva de son père en même temps que ses frères et d'autres élèves qui venaient de près ou de loin à Würtzburg. Je ne connais pas exactement l'âge auquel il s'est marié avec Léa, la fille du rabbin régional "Distriktrabbiner" de Aschaffendburg, Avraharn Adler. Léa lui donna quatre filles à Sulzbourg dans le Sud du pays de Bade, et quatre fils à Lengnau en Suisse. Elle mourut en donnant naissance à son huitième enfant. Elle n'avait que trente-deux ans. Elle était connue comme "Pokedess". c'est-à-dire une femme sage qui pouvait donner des conseils d'ordre personnel. On raconte qu'elle priait avec les femmes qui venaient la voir et qu'elle s'entretenait avec son mari lorsque cela lui paraissait nécessaire. Des personnes s'adressent encore maintenant à moi pour connaître l'emplacement de sa tombe, au cimetière juif de Langnau, afin de s'y rendre pour prier. Rabbi Zalman ne s'est pas remarié et c'est sa fille Zerline, qui avait dix ans à la mort de sa mère, qui assuma la charge du foyer et vécut avec lui jusqu'à sa mort. Elle a élevé les enfants et mon père m'a toujours raconré qu'elle avait été pour lui l'équivalent d'une mère.
Zerline vécut ses dernières années à Gailingen et y est enterrée en 1936.

Reb Zalme, c'est ainsi qu'il était connu et vénéré partout, a été après son mariage, enseignant pendant quelques temps à Hassfurt près de Schweierfurt puis à Sulzburg de 1863 à 1871 à la fondation Weil. Il avait reçu le diplôme de rabbin du célèbre Grand-Rabbin Jakob Jokeb Ettlinger à Altona et du rabbin de Lengnau-Endingen en Suisse. Il avait dans cette fonction trop d'obligations officielles à son goût ce qui le conduisit à chercher un poste où il pourrait se consacrer à l'étude du Talmud. En 1882, il se rendit à Niederhagenthal en Alsace puis en 1886 à Sennheim c'est-à-dire Cernay.

Pendant la première guerre mondiale Cernay a particulièrement souffert et a été conquise plusieur fois par l'un ou l'autre camp. Tout au début de la guerre des habitants de la ville avaient tiré sur les Allemands à partir de quelques maisons. Le commandant allemand fit arrêter une dizaine de personnes pour les fusiller. La suite de l'histoire est longue et je vais la résumer. Le rabbin Zalmen parvint à se rendre chez le Général dans son campement et le pria d'épargner la vie des dix innocents. Il s'offrit même comme otage à leur place. Cela convainquit le général d'annuler sa décision. Cet événement a été rapporté en détail par le célèbre écrivain juif Selig Schachnowitz dans sa nouvelle "Der Prophetenbaum zu Sennheim" (L'arbre du prophète de Sennheim).

La tombe du Rabbin Schlomo (Zalmen) Bamberger au cimetière de Höchberg
Peu de temps après Rabbi Zalmen fut contraint à la fuite après que la plupart des membres de sa communauté aient quitté la ville. Il posa comme condition à son départ que l'on évacue avec lui tous les rouleaux de la Torah et toute la bibliothèque rabbinique. Le général déjà cité conclut un cessez-le-feu de vingt-quatre heures avec les Français. Un officier allemand se rendit dans les lignes françaises avec un drapeau blanc et expliqua les raisons du cessez-le-feu. Rabbi Zalmen se rendit à Kitzingen avec sa fille dévouée Zerline et peu de temps après à Würtzburg où il mourut le 10 mars 1918. Il repose au cimetière de Höchberg non loin de Würtzburg.

Il y aurait encore beaucoup à raconter sur sa vie et sur les livres qu'il a écrits, sur son abstinence et ses jours de jeûne hebdomadaire. Il était par ailleurs le juge des paysans de Sennheim et de ses environs qui lui soumettaient leurs disputes. Lorsque l'on construisit une ligne de chemin de fer ils consultèrent Reb Zalmen et le prièrent de vérifier dans ses vieux livres s'il convenait de construire la ligne. Leur peur était que les étincelles ne mettent le feu aux champs. Il prit sa bible et leur lut un passage : "Ouvrez une voie et libérez le chemin" (Josué 57:14).

Lorsque quelques années avant la première guerre mondiale, on avait voulu supprimer le poste de rabbin à Sennbeim et le mettre à la retraite avec bénéfice de son traitement, le représentant de Sennheim à la Diète d'Alsace avait élevé une vigoureuse protestation. La ville, dit-il, ne voulait pas se séparer du vénérable rabbin qui habitait dans ses murs. Il obtint l'annulation de la décision. Reb Zalmen sut se montrer reconnaissant de la fidélité que lui avaient témoigné les habitants de la cité.

Sa dernière volonté fut de reposer sous une pierre tombale simple, sans énumération exagérée de titres, mais il ne put empêcher que l'on inscrive sur sa tombe qu'il avait été un élève de Hillel, un savant de la Mishna connu pour sa modestie et son érudition.


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