Lunéville

Nancy

Pont-à-Mousson

Toul

Étain

Verdun

Bruyères

Épinal

Remiremont

Saint-Dié

Senones

Lunéville

Nancy

Pont-à-Mousson

Toul

Étain

Verdun

Bruyères

Épinal

Remiremont

Saint-Dié

Senones
La mémoire des communautés juives des départements de Meurthe-et-Moselle, Meuse et Vosges.
par Françoise JOB et Henri SCHUMANN
Actes des 16ème et 17ème Colloque de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine, 2004-2005

Intervention de Françoise JOB

Le patrimoine juif des trois départements de Meurthe-et-Moselle, Meuse et des Vosges, partie de la Lorraine ducale, qui fut réunie au Royaume de France en 1766, a été conditionné par des événements historiques anciens et contemporains. Il diffère donc de celui de l'Alsace, globalement annexée en 1648, et de celui du département de la Moselle, territoire de l'ancienne Lorraine des Evêchés et terre messine, française depuis 1552.

Dans les trois départements, l'histoire des juifs au moyen âge est une histoire en. pointillés avec des sauvegardes individuelles, des expulsions suivies de retours, qui ne laissent guère de traces archéologiques, hormis les sept stèles funéraires du 13ème siècle, au Musée lorrain de Nancy et des vitraux du 13ème siècle à thème juif à l'église de Saint-Dié.

L'implantation des Juifs y est tardive et se situe à la fin du 12ème siècle. Mais des édits ducaux restrictifs ne tolèrent qu'un nombre restreint de familles : 73 en 1721, réparties dans 24 localités, la plupart en Lorraine dite allemande ; 180 en 1739, chiffre confirmé en 1753, dont 4 à Nancy.
Néanmoins, l'accroissement numérique des Juifs est continu avec de multiples installations illicites non suivies de bannissement. La domination française en Lorraine, le règne de Stanislas Lesczinski ont fait preuve de tolérance à l'égard des Juifs.

Le nombre de localités autorisées aux Juifs restait restreint. Il s'agissait de bourgs ruraux et de villes davantage que de villages ; la présence d'une ou deux familles non répertoriées dans des hameaux semble peu fréquente. Contrairement au judaïsme alsacien, le judaïsme lorrain n'est pas à dominante rurale ; le maillage des communautés est lâche ; le nombre de lieux de culte relativement peu élevé.

Ce n'est qu'au début du 19ème siècle que se créent de nouvelles implantations rurales. L'étude des conditions économiques des Juifs de la campagne révèle une plus grande pauvreté que dans les villes et bourgs de quelque importance. Ce phénomène, qui s'est inséré dans le cadre du dépeuplement rural au profit des villes, de la capitale et de l'émigration en Amérique.

Parallèlement, la Lorraine va bénéficier de l'afflux des "optants" alsaciens et mosellans consécutif à la défaite de 1871. Ils ont puissamment dynamisé les communautés de Meurthe-et-Moselle et se sont établis dans les vallées vosgiennes. Des précisions font défaut pour le département de la Meuse. Ainsi, l'apogée de la communauté juive de Lunéville se situe-t-il entre 1870 et 1914, avec plus de cinq cents personnes.

Déclin des communautés au 20ème siècle

Progressivement depuis la fin du 19ème siècle, de nombreux coreligionnaires d'Europe de l'Est sont arrivés en Lorraine, la plupart après la Grande Guerre. En 1939, ils représentent environ le tiers des 2800 Juifs de Nancy.

Le déclin du judaïsme lorrain s'est amorcé à la fin du 19ème  siècle. L'ascension sociale des juifs lorrains, l'abandon partiel des métiers en relation avec le monde rural, du colportage et du petit commerce, l'accès aux professions libérales, au service de l'Etat, au grand négoce, l'attrait de l'industrie ont peuplé les villes au détriment des campagnes ; Paris et les capitales régionales, au détriment de la Lorraine.

Les conséquences de la Shoah ont été lourdes. 1850 Juifs des trois départements, y compris les réfugiés alsaciens et mosellans, ont été internés au Centre de séjour surveillé d'Écrouves près de Toul, le "Drancy lorrain", 7% ont survécu. Des communautés ont disparu, d'autres ont été amenuisées au point de rendre leur survie aléatoire. Le judaïsme rural, celui des villages et des bourgs, à très peu d'exceptions près, a disparu. Le déclin numérique des centres urbains a été retardé, dans certaines localités par l'arrivée des "rapatriés" du Maghreb en 1962, qui a redonné vie à des communautés moribondes, celle de Lunéville par exemple.

Construction des synagogues

Les strates de cette histoire n'ont pas entièrement conditionné la construction des synagogues. Elle débute sous l'Ancien Régime par celles de Lunéville (1785-1786) et de Nancy (1787-1790), seuls exemples d'un style synagogal lorrain.

Le 19ème est celui des synagogues. Phénomène qui démarre lentement avec celles de Neufchâtel dans les Vosges, et de Verdun en Meuse, en 1805, mais s'amplifie sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire (1830-1870). Leur édification, facilitée par des subventions des Consistoires israélites et celles de l'Etat, a néanmoins dépendu des possibilités financières des communautés.

De 1806 à 1860, on ne dénombre que deux synagogues supplémentaires en Meurthe-et-Moselle: à Pont-à-Mousson et Blâmont. Une seule en 1850, dans les Vosges, à Raon-l'Etape. De 1861 à 1867, le rythme s'accélère avec six synagogues à Toul, en Meurthe-et-Moselle, Charmes, Épinal et Saint-Dié dans les Vosges, Saint-Mihiel et Vaucouleurs en Meuse. Dans le dernier quart du siècle, quelques synagogues encore : à Baccarat (1872), Bar-le-Duc (1872), Remiremont (1873) et plus tardivement Senones en 1897, sans compter les reconstructions de Verdun (1872) et d'Etain (1877) et les restructurations de celles de Lunéville et Nancy. Ces synagogues desservent les villages environnants. Dans cet inventaire, ne sont pas mentionnées les maisons aménagées en lieux de culte plus ou moins sommaire à Einville, Rosières-aux-Salines, Lamarche, par exemple.

Le 20ème siècle construit peu, ce qui n'est pas surprenant : à Bruyères (Vosges) en 1903 et à Vittel en 1927 à l'intention des curistes. Etain construit un nouvel édifice. A Nancy, une nouvelle façade a été plaquée en 1935 sur l'ancienne, une façade de prestige, du style de celles des grandes synagogues parisiennes de la fin du 19ème siècle. Quant aux immigrés d'Europe de l'Est, c'est uniquement à Nancy, qu'ils ont créé leur propre lieu de culte, un oratoire dans leur lieu de réunion, 55 rue des Ponts, acquis en 1924.

Les cimetières

Les cimetières ont été officiellement autorisés à la fin du 18ème siècle, mais il en existait d'illicites auparavant.

Actuellement, ils constituent les lieux de mémoire, par excellence avec la succession chronologique des patronymes lorrains, alsaciens, puis de l'Europe de l'est et enfin du Maghreb.

Après la Libération un devoir de mémoire s'imposait : celui de perpétuer le souvenir des victimes de la guerre et des déportés non revenus. Des monuments ont été élevés, des plaques apposées. Les listes, qui y figurent comportent des omissions et des inexactitudes, car le destin des uns et des autres n'était alors pas toujours connu avec certitude. Signalons aussi la statue commémorative inaugurée en 2000 à l'endroit, qui fut l'entrée du camp d' Ecrouves.

La situation actuelle (2004)

Quelle est la situation actuelle du judaïsme et de ses lieux de mémoire dans les trois départements ?

En raison d'une conjoncture économique défavorable, beaucoup de jeunes diplômés quittent la Lorraine. L'alyah  (l'émigration en Israël) d'éléments jeunes et dynamiques a affaibli les communautés. La proportion des mariages mixtes intervient dans la baisse de fréquentation des synagogues et des activités
communautaires.

Dans les trois départements, il n'y a plus que cinq communautés juives :
- dans la Meuse, Verdun avec 30 personnes ;
- dans les Vosges : Épinal et Saint-Dié en chute démographique ;
- en Meurthe-et-Moselle : Lunéville avec pour caractéristique 70 personnes y demeurant, soit 0,3% de la population de la ville, dont plus de 40% dépassent l'âge de 60 ans (avec un âge médian de 75 ans) proportion double de celle de cette même tranche d'âge dans la moyenne nationale.
- Nancy est la métropole des trois départements avec environ deux mille cotisants, le siège du grand rabbinat régional et de structures communautaires vivantes.

Que sont devenus les lieux de cultes ? Ceux des petites communautés éteintes ont disparu pour la plupart.
Des synagogues vosgiennes de Charmes, Épinal, Gérardmer, Raon-l'Etape et Saint-Dié, détruites par faits de guerre, seules celles d'Epinal et de Saint-Dié, ont été reconstruites en style moderne. Vendues, celles de Commercy, Pont-à-Mousson, Saint-Mihiel, Toul ; démolie celle de Remiremont, la synagogue de Senones, restée un lieu de culte, est un temple protestant.

Le cas de  celle de Bruyères est exemplaire. Sauvée "in extremis", elle a été intégrée à un musée en 1992. A Lunéville, le classement à l'inventaire des Monuments historiques, dans sa totalité en 1975 et 1980, a permis de lourds travaux de sauvegarde.
A Nancy, Toul et Verdun, les synagogues sont inscrites à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques, respectivement en 1984 et 1986.

En revanche, au Musée Lorrain à Nancy est entreposée la collection d'objets juifs léguée en 1939 par testament par René Wiener. Elle continue à s'accroître par des legs et des acquisitions. La plupart de ces objets et documents concerne l'aire ashkénaze et la Lorraine. Par son importance, son homogénéité, sa richesse, la rareté de certaines pièces, elle a vocation, dans les projets de restructuration du Musée de constituer le complément lorrain du Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme à Paris.

La conclusion est pessimiste et l'avenir du judaïsme lorrain passe par la sauvegarde de son passé, à moins de miracles.... l'expérience du passé précisément n'en rejette pas l'éventualité. Ainsi, à la Libération, la synagogue de Lunéville était dégradée, spoliée, vidée... Or, un militaire américain, coreligionnaire, avait coutume dans chaque ville libérée d'aller constater l'état de la synagogue. A Lunéville, parmi les détritus au sol, il a reconnu le shofar (corne de bélier). Il l'a récupéré et l'a gardé par devers lui alors qu'il combattait en France, en Allemagne et en Autriche. Il s'est embarqué en Allemagne pour retourner aux U.S.A., sans avoir pu repasser à Lunéville. Il souhaitait revenir un jour en France pour le restituer. En 1949 de New-York, il a écrit à la communauté de Lunéville proposant de lui renvoyer ce shofar, qui n'avait pas été remplacé. Notre humble shofar qui a tant voyagé, peut-être même risqué son existence, est un miraculé.

Intervention d'Henri SCHUMANN

Après avoir écouté Françoise Job, nous parler de l'histoire des Juifs de Meurthe-et Moselle, Moselle et de la Meuse, et Gilles Grivel de ceux des Vosges, j'ai très rapidement fait l'inventaire de tous les endroits, où je suis allé, questionner et photographier les sites encore visibles de nos jours.

MEURTHE-et-MOSELLE :

MEUSE :

VOSGES :

Voici l'inventaire relativement important des trois départements lorrains, non concordataires.
Je vous invite à visiter tous ces lieux.


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