IN MEMORIAM
Mgr ELCHINGER
1908 - 1998
par le Grand Rabbin René GUTMAN
Extrait de ECHOS-UNIR, juillet-août 1998


La haute figure de Mgr Elchinger est non seulement inséparable de l'Alsace mais aussi de la Communauté juive dont il fut, aux heures dramatiques du Concile Vatican II, le défenseur obstiné, face aux églises orientales qui avaient tenté d'empêcher tout aggiornamento de la part du Vatican vis-à-vis des juifs.

Mais c'est lui aussi qui imposa le projet papal d'une "déclaration en faveur des juifs" qui avait failli tomber aux oubliettes sous la pression des églises du monde arabe. En France, alors qu'il présidait l'Assemblée des évêques, il donna à l'Eglise une impulsion considérable dans ses relations avec le judaïsme grâce à sa célèbre Déclaration du Comité épiscopal français pour les relations avec le judaïsme qui fut diffusée la veille de Pessah 1973. Ce texte est remarquable à tous points de vue. Il ne se contente pas comme la déclaration conciliaire de Vatican II de s'élever contre l'antisémitisme. Il cherche à en extirper toutes les racines, religieuses ou non, à en dénoncer toutes les formes. Il tient en même temps à faire savoir aux chrétiens que le peuple juif a une vocation permanente et il n'hésite pas à souligner à ce propos la mission sacerdotale du peuple juif dont il dit qu'elle consiste à sanctifier le nom de Dieu dans le monde et qu'elle "fait de la vie et de la prière du peuple juif une bénédiction pour toutes les nations de la terre".

Mais il y a plus encore. Il prend fermement position pour le droit d'Israël de revenir et de se réunir sur sa terre, "cette terre que Dieu lui a donnée" et il affirme que "la conscience universelle ne peut refuser au peuple juif, qui a subi tant de vicissitudes au cours de l'Histoire, le droit et les moyens d'une existence politique propre parmi les nations". Jusqu'alors, l'amitié entre juifs et chrétiens nous semblait se fonder sur leur appartenance commune à l'humanité, au monde moderne. Certes, dans la perspective juive, le christianisme se justifiait ; il portait le monothéisme aux gentils (Maïmonide sur les lois royales) mais qu'était donc le judaïsme dans la vision chrétienne ? Une prophétie qui survit à son accomplissement ? Le témoignage incarné d'un échec ? La vierge aux yeux bandés sculptée sur la cathédrale de Strasbourg ? Un résidu, une survivance, une relique ? Ou bien une pièce à conviction ? Et voilà que Mgr Elchinger - inspiré en cela par sa proximité avec le grand rabbin Warschawski -, nous a rendu aux yeux des chrétiens du monde une signification dans l'avenir et la vie. Transformant ainsi le sens même des relations judéo-chrétiennes.

BIOGRAPHIE de Mgr ELCHINGER

Léon Arthur Elchinger, est né le 2 juillet 1908 à Soufflenheim dans le Bas-Rhin. Né allemand, il aura, comme tous ses contemporains, changé quatre fois de nationalité.
Son père, potier céramiste, pensait faire de lui un médecin et le faisait travailler dans son atelier comme tourneur. Sa mère était musicienne et professeur de piano. Elle lui a enseigné le piano et l'orgue, ce qui lui permis d'ailleurs d'être organiste à Sessenheim pendant quelques temps.
L-A. Elchinger a effectué toutes ses études à Strasbourg. Licencié ès-lettres, il était docteur en théologie ainsi qu'en philosophie scolastique. C'est dans cette même ville qu'il a été ordonné prêtre au mois d'avril 1931. Quelques mois plus tard, il a été nommé professeur et directeur au grand séminaire. Aumônier militaire à Strasbourg à partir de 1938, il est devenu, en 1941, supérieur du grand séminaire de Strasbourg replié à Clermont-Ferrand. Après la guerre, en 1945, il a été nommé à Strasbourg directeur diocésain de l'enseignement et des oeuvres catholiques d'étudiants et en 1947, chanoine honoraire de la cathédrale.
En 1958, il a été nommé évêque et coadjuteur de Mgr Weber auquel il a succédé le 1er janvier 1967. Très tôt, Mgr Elchinger avait pensé devenir prêtre, mais n'imaginait pas devenir évêque. Avant d'accepter cette mission, il a d'ailleurs demandé un certain temps de réflexion. Il disait de lui-même "je suis un spirituel, pas un administratif " et se serait plutôt vu avec un bâton de pèlerin.
Mgr Elchinger a participé au Concile Vatican II, rencontrant ainsi Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II. Ses interventions ont été très remarquées à l'époque : elles concernaient notamment la demande de réhabilitation de Galilée et l'oecuménisme. Champion de l'aggiornamento de l'Eglise, il avait été qualifié d'"évêque rouge" par les intégristes. Evêque jusqu'en 1984, il a été remplacé par Mgr Brand, évêque auxiliaire depuis 1976. Actif après sa retraite, il a publié plusieurs ouvrages et intervenait régulièrement dans les médias.
L-A. Elchinger, est décédé le 30 juin 1998 à l'hôpital Toussaint à Strasbourg, quelques jours avant d'avoir atteint 90 ans.

Ouvrages publiés par L-A. Elchinger :

  • Je plaide pour l'homme - Fayard, coll. Religion
  • Risquer la vérité - les racines de l'avenir - Fayard, coll. Christianime
  • David contre Goliath aujourd'hui - Fayard, coll. Christianime
  • Urgence du vrai - Cri d'un évêque - Mame, coll. Religion
  • L'âme de l'Alsace et son avenir - La Nuée Bleue
  • Paroles pour la France - Salvator
  • Liberté d'un Evêque - Centurion

Relations judéo-chrétiennes
 
         

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