LES PREMIERS IMPRIMEURS JUIFS EN FRANCE
par moïse ginsburger
Revue des études juives, juillet/septembre 1928, tome LXXXVI n°171
(les sous-titres sont de la Rédaction du site)


La librairie S. Lipschutz à Paris vient de publier, en une magnifique édition de luxe, le plaidoyer de Pierre-Louis Lacretelle aîné pour deux Juifs de Metz contre l'Hôtel de Ville et le Corps des marchands de Thionville (1).

Dans sa préface, M. André Spire donne une biographie de Pierre-Louis Lacretelle et fait ressortir l'importance de son plaidoyer par rapport à l'émancipation des Juifs, mais il passe sous silence le fond même du procès, qui, à mon avis, mérite d'être relevé. A quoi visaient-ils, en réalité, ces deux Juifs de Metz, lorsqu'ils intentèrent un procès à l'Hôtel de Ville et au Corps des marchands de Thionville? C'est ce que ne dit pas M. André Spire, bien que la question ait été traitée déjà, superficiellement du moins, dans le travail de A. J. Kohn sur l'histoire des Juifs de Thionville (2).

A la suite du fameux décret du 20 août 1767, qui permit aux "nationaux et aux étrangers" de prendre des brevets, quatre Juifs de Metz avaient acquis des patentes pour Thionville : Goudchaux Spir et Moïse May, le 15 septembre 1767, Mayer Hadamar, le 13 novembre 1768, Simon Lambert, le 24 janvier 1769.

Goudchaux Spir et Moïse May avaient fondé, quelques années auparavant déjà, une imprimerie à Metz, de sorte qu'il est infiniment probable que tous deux, ainsi que Mayer Hadamar et Simon Lambert, qui se désistèrent du procès, avaient l'intention d'exercer le même métier à Thionville à cause des difficultés qu'on leur faisait à Metz. Ceci prouve que toute l'histoire de ce procès n'est autre chose que l'histoire des débuts de l'imprimerie juive en France. Or, c'est là un sujet qui, à mon avis, présente assez d'intérèt pour mériter une étude spéciale où il faudrait réunir tous les renseignements biographiques et bibliographiques sur les imprimeurs et les impressions relevant du judaïsme français. Ici je me contenterai de donner une liste des imprimeurs juifs avec des notices bibliographiques.

A vrai dire, c'est à une époque antérieure à l'invention de Gutenberg qu'il faut remonter, si l'on veut écrire l'histoire des imprimeurs juifs en France. Cela peut paraître étrange, et pourtant il en est ainsi.

avignon : procope de bragansis et davin de Caderousse

Au commencement de l'année 1444 arriva à Avignon Procope de Bragansis, ou Procope Waldfoghel, orfèvre originaire de Prague, marié à une nommée Anne. Il prétendait avoir découvert le procédé de l' écriture artificielle.
Sans ressources pour exploiter son invention. Procope est obligé de chercher des bailleurs de fonds. Il tombe entre les nains d'un juif nommé Davin de Caderousse. Il lui enseigne, en retour d'avances pécuniaires, la science et l'art d'écrire, et ceci antérieurement au 10 mars 1444.

Davin avait avancé à Procope une première fois 30, une seconde fois 10 florins. Le 10 mars 1140, Procope s'engage à fabriquer pour Davin de Caderousse 27 lettres hébraïques de forme, gravées sur fer, ainsi que les engins de bois, d'étain et de fer. Pour ce travail il ne demande qu'une semaine, ce qui nous fait entrevoir un matériel peu compliqué et plus simple que celui d'une presse à imprimer. En retour le juif lui apprendra l'art de la teinture. L'acte passé entre Davin et Procope stipule que Davin payera l'étain et le bois des instruments de l'écriture hébraïque. D'autre part. Procope rendra au juif 10 florins qu'il lui a empruntés et pour lesquels il a donné certains gages qui lui seront rendus francs d'usures et d'intérêts. En plus Davin prête le serment d'usage des initiés : il ne montrera à personne la science ni la pratique qui lui ont été enseignées, an moins pendant tout le temps que Procope habitera dans Avignon.

Procope se mit au travail, mais il lui fallut plus de temps qu'il n'avait supposé, et le matériel hébraïque ne fut livré que le 26 avril. En prenant livraison, Davin de Caderousse s'engage encore une fois à n'enseigner à personne la science qu'il avait apprise, ni dans Avignon, ni trente lieues à la ronde. Ensuite il rend à Procope les gages qu'il avait reçus, sauf un manteau et 408 lettres, qu'il garde en garantie des 10 florins prêtés et non rendus (V. P. Pansier, Histoire du Livre et de l'Imprimerie à Avignon du XIV° au XV1° siècle, 1, p. 162 et suiv..

Ce sont là tous les renseignements que nous possédons sur Davin de Caderousse et sur ses relations d'affaires avec Procope. Comme on voit, ces renseignements ne nous permettent pas d'affirmer, avec certitude, que Davin a exercé vraiment le métier d'imprimeur. Procope ne lui livra, comme Pansier l'observe avec raison, que 27 lettres hébraïques, soit un alphabet complet d'écriture hébraïque comprenant 22 lettres ordinaires et 5 signes particuliers pour les lettres finales), de sorte que l'on peut se demander si Davin pouvait faire autre chose que de l'estampillage au cas où il ne lui était pas loisible de multiplier les caractères en les coulant. Mais il y a, en outre, le fait des 408 lettres mises en dépôt chez Davin, et ceci engage M. Pansier à admettre que Procope Waldfoghel avait été en relation avec des ouvriers des premiers imprimeurs hollandais antérieurs à Gutenberg ; mais, soit ignorance, soit parti pris, ces ouvriers ne le mirent pas au courant de tous les détails de l'art typographique. Procope apprit à graver des lettres, peut-être aussi à fabriquer des moules pour les fondre, et c'est tout. Il eut entre les mains des caractères mobiles, mais ne sut s'en servir et n'entrevit pas même le parti qu'il pourrait en tirer. C'est là, sans cloute, aussi la raison pour laquelle Davin de Caderousse ne tira aucun profit de son matériel et n'a laissé aucune trace dans l'histoire de la communauté juive d'Avignon.

les imprimeurs juifs de metz

Houmash (Pentateuque) imprimé par Moché May à Metz (Imprimerie Antoine Louis) : dos du livre et dernière page


Deux autres imprimeurs juifs peuvent étre mentionnés ici, puisque, comme leur nom le prouve, ils furent les descendants d'une famille juive de Strasbourg, bien que Strasbourg ne fit pas encore partie alors de la France : c'étaient les deux frères Gabriel et Joseph, fils d'Aron de Strasbourg. Gabriel était correcteur chez Soncino; il est nommé dans l'édition des traités de Berakhoth et de Bétza de 1484, tandis que son frère vivait encore en 1525-26, puisqu'il est cité dans l'édition de Rasehi sur le Pentateuque publié à Rimini, vers cette époque, chez Gerson ben Moise Soncino (V. Steinschneider, Cat. Oxford, p. 2890 et 2344).

Ensuite il nous faut descendre jusqu'au 18ème siècle pour retrouver des imprimeurs juifs en France. C'est à Metz, qui était alors la communauté juive la plus importante de France, que s'établirent, en premier lieu, des imprimeurs juifs. Des articles plus ou moins complets ont été publiés sur l'histoire de l'imprimerie à Metz par G. F. Teissier, dans son Essai philologique sur les commencements de la typographie à Metz et sur les imprimeurs de cette ville ; puisé dans les matériaux d'une histoire littéraire, biographique et bibliographique de Metz et de sa province (Metz, Ch. Dosquet, 1828, p. 143 et suiv., par E. Carmoly, dans sa Revue orientale, t. III, Bruxelles, 1843-44, p. 209 et 283, et par A. Galien, dans cette Revue, XII, p. 293 et 296.

Ainsi que nous l'avons déjà remarqué plus haut, c'étaient Moïse May, Goudchaux Spir, Mayer Hadamar et Simon Lambert, qui avaient été les premiers à projeter l'installation d'une imprimerie à Metz. La nombreuse population israélite de Metz et de son intendance ainsi que celle d'Alsace et des autres régions de la France de l'Est était obligée de se pourvoir hors de France des livres nécessaires à l'éducation de la jeunesse et à l'exercice du culte : on les tirait principalement d'Amsterdam et de Francfort-sur-le-Mein ; on se servait aussi à Metz, et dans la généralité, de livres liturgiques imprimés à Vienne, à Prague, à Berlin, à Carlsruhe et à Furth (V. Teissier, 1. c.).

Mais c'est Moise May seul qui exécuta ce projet. Le nombre des imprimeurs était fixé à deux. May, n'espérant pas obtenir un privilège, éluda l'obligation de s'en pourvoir; ce fut sous le nom de Joseph Antoine, imprimeur du Roi, que parurent les premiers livres hébreux. Plus tard, ce fut sous celui de J. B. Collignon. La composition avait lieu dans le quartier des Juifs, au domicile de May, le tirage chez un imprimeur breveté. Le Parlement, assuré que May n'abuserait pas de cette tolérance, le laissa faire. L'autorité administrative se montra également indulgente. En cela, elle suivait les inspirations de M. de Lamoignon de Malesherbes, directeur général de la librairie (Teissier, 1. c., p. 146).

Voyons maintenant quel était le personnel de cette imprimerie juive si curieuse. C'était d'abord, comme nous venons de l'apprendre, le propriétaire Moïse May, nommé dans l'Approbation de Hirsch Auerbach de Worms imprimée dans l'édition de l'Assefath Zekenim de Beçalel Aschkenazi, Metz, 1765,
הקצין התו' המוכל כהרר משה מאיי' בן המנוח כה טעבלי מאיי' מקק מיץ
"Le riche, instruit, distingué R. Moïse May, fils du défunt Tébelé May de la sainte communauté de Metz."

La famille May tire son nom de Mayen, petite ville de la région de Coblence. C'est là la raison pour laquelle le nom de מאיי' porte toujours, dans les bons textes, un signe d'abréviation. On ne prononçait pas à l'origine May, mais Maye.

Des membres de la famille May s'établirent à Metz dès le commencement du 18ème s. Nous en trouvons toute une série dans le Nécrologe de la Communauté et dans la Liste des habitants du quartier juif de 1 739 (V. Revue, L, 112 et suiv.) Breinele, fille de R. Isaac David May, mourut le 21 Nissan 1722. Moïse, fils de Mayer May, était locataire d'une maison du ghetto avec sa femme et deux enfants. Il mourut le 17 Tischri 1738. Raphaël, fils de Moïse May, mourut probablement en 1742. David Tébelé, père de l'imprimeur, nommé dans le Nécrologe :
כהרר דוד טעבלי יעקב בן המנוח כהרר שימה עמרם יעקב זל מאיי' "R. David Tébelé Jacob, fils du défunt R. Salomon Amram Jacob May" mourut vers 1743. Il était, sans doute, le frère de Moïse, mort en1738, de sorte que l'imprimeur portait le même prénom que son oncle. Un fils de Moïse l'aîné, nommé Méïr, décéda le 6 Adar 1 1744, et une fille Heffele [העבלה] le 3 Tébet 1756.

Les noms des collaborateurs de Moïse May sont indiqués à la fin de l'ouvrage Assefath Zekenim. Nous y lisons, en effet :
על ידי הפועל העוסק במלאכת הקודש הק' אברלי בר טודרוס זל לעע פה קק מיץ אצל כה משה סגל זעצור מרעדלהיים
"Par l'ouvrier, qui s'occupe du travail sacré, Aberlé, fils de R. Todros, que sa mémoire soit bénie, actuellement ici à Metz chez Moïse Lévy, compositeur de Rödelheim".
Les mots "actuellement ici à Metz" ajoutés au nom d'Aberlé, fils de Todros, prouvent que cet Aberlé n'était pas originaire de Metz, mais qu'il y était venu pour travailler à l'atelier de Moïse May. Je suppose qu'il faisait le métier de correcteur.

Le compositeur Moïse Lévy était venu de Rödelheim, mais son lieu d'origine était Amsterdam, et le nom de son père défunt était Yoqeb (Jacob), ainsi qu'il l'indique à la fin de la première partie de l' Assefath Zekenim.

Moïse May s'était associé, dès 1767, avec Godechaux-Spir-Abraham Lévv, qui était déjà ou qui devint plus tard son gendre. C'est lui le second des deux juifs pour lesquels plaida Pierre Lacretelle et c'est par erreur qu'on lit: Godechaux et Abraham Lévv dans le titre du Plaidoyer imprimé en 1775. II faut bien lire Godechaux-Abraham Lévv.

Godechaux-Spir Lévv avait demeuré à Sarrelouis avant de venir à Metz. Il se nomma, en effet, sur la feuille du titre du Talmud, Rosh Hashana, Metz,1777 : כהרר געטשליק שפייאר סגל מסארלואי
"R. Getschlik (Gottschalk) Spever Levy de Sarrelouis". Mais la famille Spir-Lévv était bien originaire de Metz. Un des chefs de la Communauté, "le grand et distingué syndic R. Jacob Isaac Lévv-Spir, fils du savant syndic et préposé R. Getschlik de sainte mémoire", y mourut le 20 Schevath 1738.

Son frère Elhanan ou Alcan Spir Lévy, nommé כהרר אלחנן אברהם בן מהורר אליקום געטשליק הלוי זל
demeurait dans le quartier juif avec sa femme, un enfant et une servante, et mourut le 12 Adar 1743. Il était sans doute le père de Godechaux. Celui-ci paraît avoir laissé, de son côté, un fils Elkana, mort le premier jour de la néoménie d' Iyar 1830, et une tille Soria, morte le 2 Schevath 1827.

Isaac Jacob ou Jacob Isaac Spir-Léyy eut six entants : R. Abraham Jacob, mort le 19 Av 1736, Sara Merlé, morte le 2e jour de Pâque 1740, R. Meschoulam Phébus Moïse, mort le 6 Iyar 1743, le syndic et préposé R. Issachar Abraham dit Baermann, mort le 20 Schevath, le jour où mourut son père, 1754, Vogel, morte la veille de la néoménie de Nissan 1755, Moïse, mort le 23 Av 1771.

R. Meschoulam Phébus Moïse avait quatre enfants: Guenendelé Zilpa, morte le 7 Iyar 1743. Hawa, morte le 4 Tébeth 1751, Joseph mort en 1775 ?, Loeb, mort le 18 Kislev 1771.
Une petite fille de R. Meschoullam Phébus Moïse. Miriam, fille de Moïse, était mariée avec Eliakim Terquem et mourut le 14 Eloul 1803.


Les deux autres collègues de May et de Spir-Lévy, Mayer Hadamar et Simon Lambert, qui avaient eu également l'intention de commencer une imprimerie à Thionville, étaient, eux aussi, d'origine messine. Mayer Hadamar portait le nom de son grand-père, mort avant 1743.
Ce Mayer aîné avait eu sept enfants : Blimelé, morte le 10 Adar 1732, Jacob, assassiné, le 14 Shevath 1743, avec son fils près de Neckarsulm et enterré à Furth, Hanna, morte le 3 Sivan 1746, Raphaël, mort le 12 Kislev 1770, Nathan, mort le 11 Iyar 1770. Josel, mort le 19 Siva n 1777, David, mort le jour de la néoménie d'Adar 1802, mais il est bien possible que ce dernier ait été un fils de Mayer Hadamar le jeune.
Simon Lambert ou Willstätt avait deux fils : Gerson, circoncis le 3 Sivan 1786, et Méïr, circoncis le 20 Marheshvav 1781 (V. Revue, LII, p. 287.)

En la même année 1767 parut à Metz l'ouvrage intitulé Maayan Ganaim de Akiba fils de R. Elie Trénel de Metz. Le nom de Trénel est écrit régulièrement dans les textes hébreux טרעני, de sorte qu'il s'agit visiblement d'une déformation judéo-allemande du nom de lieu bien connu Tragny près de Metz. Cette famille existait à Metz depuis le début du18ème siècle.
Un Akiba Tragny était mort avant 1730. Il avait quatre fils : R. Elie Isaac, mort le 28 Tishri 1730, Samuel, mort le quatrième jour de 'Hol ha-Moëd de Pâque 1733, Baroukh, mort le 27 Adar II 1737, Isaac Eisiq, mort le 5 Shevath 1757.
Elie Isaac eut pour fils notre R. Akiba, nommé Jacob Akiba dans le Nécrologe et mort le 8 Iyar 1771. R. Akiba laissa un fils R. Mardochée, mort le 27 Shevath 1826.

Le compositeur et imprimeur (Pressenzieher) Jonathan Falk (פאליק) Monheim de Metz, mentionné à la fin de l'ouvrage de R. Akiba, ne paraît avoir habité que passagèrement la ville de Metz, puisqu'on ne trouve pas trace de sa famille dans le Nécrologe.

Le traité de Nidda du Talmud Babli édité par Moïse May en 1770 nomme, outre Falek Monheim, les compositeurs suivants : Gumprich, fils de R. Abraham Picard de sainte mémoire, de Metz, Löb, fils d'Elie Hadar, de Metz, David, fils de Lämmle Kohen Cédeq, de Metz, Méir fils de Moïse Landau, de Metz, Lämmle, fils de R. Hirz Wimphen Lévy de sainte mémoire, de Metz.

Gumprich Picard était un descendant de Mardochée Gumpel, fils de Moïse Picart. mort le 24 Adar I 1729 à Metz et d'Abraham Aberle fils de R. Abraham Isaac Picart, mort le 4 Iyar 1741 et de R. Abraham fils de Juda Löb Picart, mort le 19 Tischri 1757.

Le nom de famille Hadar n'est pas mentionné dans le Nécrologe de Metz. Je suppose qu'elle n'a demeuré que passagèrement dans cette ville. Un Ascher Lämmle, fils du syndic et préposé Simele Cohen de sainte mémoire, mourut le 20 Eloul 1777. Il était sans doute le père de David. tandis que Méïr Landau parait avoir été le fils de Moïse Landau décédé en 1787-88 d'après le Nécrologe de la Synagogue Grumbaeh de Metz. Lämmle Wimphen est probablement identique avec לעמלי ווימפא, dont le fils Jacob (ההר יעקב) mourut le deuxième jour de la néoménie de Marheshvan 1786.

Le traité de Berakhoth, publié également en 1770 par Moïse May, nous fait connaître trois nouveaux compositeurs messins : Phébus de R. Yégil Lévy, Mardochée, fils de Sender Mörchingen (Morhange) et Jacob, fils de Zewi Hirsch Kohen Zédek.

Il n'est pas possible d'établir, arec certitude, la généalogie de Phébus Lévy. Par contre, nous trouvons, à différentes reprises, dans le Nécrologe, les noms de Mardochée et de Sender (Alexandre) portés par des membres de la famille Morhange. Mardochée Morhange perdit une fille le 25 Nisan 1715. Il était le fils d'Isaac M. et mourut le 11 Adar 1726. Une autre fille du même Mardochée (Guenendele) mourut le 10 Nisan 1737.

Alexandre Morhange perdit un fils (Phébus) le 17 Ab 1777. Il était sans doute le père du compositeur Mardochée. Un autre Phébus, fils de défunt Sender Morhange, était mort le 3 Nisan 1740. 11 était peut-être le grand-père du premier et le frère de Nathan Néta, fils d'Alexandre Sender M., mort le 17 Tamouz 1743.

En plus, nous trouvons encore, dans le fragment d'un Nécrologe de Metz que possédait feu le grand rabbin Ury de Strasbourg, le nom de Sender, fils de Libermann Morhange, mort le 12 Adar I 1764.

Un Jacob Cohen, peut-être le grand-père du compositeur, fils de Nathan, mourut la veille de la néoménie de Tébet 1723.

L'imprimeur (הדרוקר) Eisiq, fils de Moïse Tragny de sainte -mémoire, est nommé dans l'édition du traité de Rosh Hashana 1777. Le Nécrologe de Metz contient deux notices qui se rapportent sans doute à des ancêtres de cet imprimeur. Un R. Isaac Eisiq T. fils de R. Salomon Abraham de sainte mémoire, mourut le 11 Nisan 1724 et une nommée Yentele, fille d'Isaac Eisiq T. de sainte mémoire, mourut le 16 Heshvan 1757.


Imprimé à Metz chez Joseph Antoine

l'imprimerie de strasbourg

En la même année 1777, on essaya aussi à Strasbourg d'imprimer des livres hébreux. C'est Cerfberr, avec ses gendres, qui mit les fonds nécessaires à la disposition des éditeurs.

Le premier ouvrage publié fut leספר לחם סתרים  de Salomon ben Abraham Algazi, réimprimé d'après l'édition de Venise de 1864 prêtée par David Sintzheim.

Comme les Juifs de cette époque n'avaient pas encore le droit de monter des imprimeries, on imita l'exemple des Juifs messins et l'on fit paraître l'ouvrage en question chez Jonas Lorenz, imprimeur, Sous les Petites Arcades. Mais les éditeurs n'ont pas manqué de nous renseigner explicitement sur les personnes qui collaborèrent à cette publication. Outre Cerfberr, ses gendres et David Sintzheim, c'est R. Abraham ben Mosché Lévy de Hönheim qui contribua aux frais d'impression. Je suppose qu'il est identique avec Abraham Moïse, maître d'hôtel de Cerfberr, qui demeura plus tard à Bischheim (M. Ginsburger, Cerfberr et son époque, p. 29) et qui est nommé dans le Dénombrement de 1784, sous le N° 9, Abraham Lévy. Sa femme s'appelait Gentel et sa servante Gellin.

Les correcteurs étaient R. ltziq, fils du défunt R. Jospa Pessels Mainstockheim, de Bischheim, et Salomon Salman, fils d'Itziq Eisiq Ettendori, de Hoenheim.

R. Itziq Mainstockheim, secrétaire de Cerfberr, paraît être mort ou avoir quitté l'Alsace bientôt après 1777, puisque son nom ne se trouve ni dans le Dénombrement de 1784 ni dans les différentes listes des personnes faisant partie du ménage de Cerfberr et de ses fils. Par contre, nous avons pu identifier Salomon Salman Ettendorf. Il demeurait à Bischheim en 1784 et est mentionné, dans le Dénombrement, sous le N° 46 : Salomon Isaac, Maître d'Ecole - Femme : Guttel - Fils : Isaac - Fille : Bonnel - Mère: Sorlé - Servante: Beylée.

Un document que j'ai trouvé aux Archives municipales ( A A 2354) nous montre que d'autres travaux devaient suivre la publication de Lehem Setarim. Il s'agit d'une pièce justificative ajoutée, sans doute, à une pétition adressée au Préteur royal afin d'obtenir la permission de faire imprimer une nouvelle édition et disant qu'on avait déjà publié l'ouvrage שיטה מקובצת de Beçalel Aschkenazi d'après l'édition de Constantinople de 1738 et le ספר לחם סתרים de Salomon Algazi. Il me paraît intéressant de publier ici le texte intégral de cette pièce sans y apporter le moindre changement.

Le livre nommé Chita Mecabetzes al Kesoubath est un commentaire sur la plus importante et la plus difficile partie du Talmude, nommé Kesoubath, qu'on nomme à cause de son importance le petit Talmude qui traite des Mariages, unions conjugales, contracts de Mariage, Divorces et toutes choses qui pourront se présenter en fait de Mariage, c'est à cause de l'importance de cette partie du Talmude que beaucoup plus des auteurs ont écrit sur ce Matière que sur les autres parties du Talmude, n'étant pas aussy utiles et fréquentes que celle-cy, parmi les Rabbins sçavants qui ont écrit sur cette partie du Talmude ils se trouvent notamment dix de plus fameux de l'Espagne et de France dont les Manuscrits n'ont pas été imprimés à cause de la persécution qu'on a fait alors aux Juifs, par laquelle une grande partie de ces Manuscrits en a été perdue et égarée, enfin le fameux Raby Bezallel Ascanasi, c'est-à-dire l'Allemand, étant né de Parents allemands, à grand Caïro en Egypte, où il s'est trouvé alors une communauté de Juifs allemands qui y sont réfugiés de l'Allemagne à cause de la Persécution qu'on leur y a faite, a trouvé Moyen de recueillir avec beaucoup de soins, frais et peines une partie des dits Manuscrits dont il en a eu quelques uns de l'âge de plus de 900 années et les a redacté dans un Livre, en y ajouttant beaucoup de ses propres sentiments, Et la nommée Chita Mecabetzes, c'est-à-dire Recueil de la Loy, le dit Rabby Bezallela été un de plus fameux Rabin de son tems de sorte que tous les Rabins de l'Empire d'Ottoman l'ont consulté sur les articles les plus importants de la Loy, pour lui en demander sa décision de sorte qu'il ait entretenu une correspondance avec plusieurs Rabins sçavants, il a été appelé de Caïre à Jérusalem pour y être Rabin principal, où il est mort l'an 1660, d'un âge bien avancé, il a été beaucoup regretté de tous les Juifs, comme on peut remarquer des orraisons funebres qui ont été tenus au sujet de sa mort, cinq années après sçavoir l'an 1665 ses correspondences avec les Rabins sur les plus essentiels et plus difficiles points de la Loi, ont été imprimées à Venise, ses autres oeuvres sont resté à Jérusalem ensuite ils ont été apporté à Constantinople et de là à Amsterdam, où un de ses oeuvres sur une autre partie du Talmude, a été imprimé l'an 1719. Le dit Chita mecabetzes a été également imprimé à Constantinople il y a environ 30 années mais malheureusement tout cet ouvrage est devenu la Proie de la flamme par une incendie qui est survenue, dont ils sont à peine resté 100 exemplaires, de sorte qu'on n'en put avoir pour de l'argent, on vient de le réimprimer à Strasbourg, ils se trouvent encore quelques ouvrages de cet auteur en manuscrit à Constantinople.
Le livre Lechem Starim est un commentaire sur une partie du Talmude nommé Avoda Sara, qui traite des Rits Service Divine, Coutumes. Moeurs et Lois des anciens Païens et Idolatres, Et exhorte de ne pas user de même, il y a très peu des auteurs qui ont écrit sur cette Matière ou du moins leurs ouvrages n'a pas été imprimé, le dit auteur a expliqué les points les plus difficiles et critiques de ce dit Partie du Talmude, de sorte que ceux qui ont envie de l'étudier ne peuvent se passer de ce dit Livre Lechem Starim, dont l'auteur est Raby Sallomon Algazi, son nomme (sic) fait assez presumer que ses parents ont demeuré parmi les Arabes, il a été né à Magnesia nommée par les Européens Montagna près Bursia en Natolie où il a été ensuite Rabin, depuis il a été appelé A Smirne pour y être Rabin, où il s'est trouvé lorsque le fameux imposteur Sabati Zebi y est arrivé qui lui a causé beaucoup de disputes et controverses, à l'an 1673, il s'est établi à Jérusalem où il a composé encore quelques livres et y est mort dans un age bien avancé,13 Livres, qui traittent des Morales, Sermons et Regles de Talmude, qui ont été tous imprimés, le dit Lechem Starim a été imprimé à Venise et étant devenu très rare, il vient d'être réimprimé à Strasbourg.

L'approbation donnée à l'édition de Schitta meqqubbécet par Naftali Hirsch, rabbin de Mannheim, nous apprend que c'est encore grâce à la munificence de Cerf Berr, de ses deux gendres Samuel Alexandre et Wolf Lévv et son frère Séligmann Berr de Rosheim, que cette publication put être faite. Les compositeurs sont nommés à la fin du voluuie : Gumprich, fils de Hayim de sainte mémoire, de Soultzbach, à Strasbourg et Salomon, fils de Moïse Francfort, de Furth, à Strasbourg. Aucun des deux n'est cité dans le Dénombrement, ee qui semble prouver qu'ils quittèrent l'Alsace avant 1784.

notes :
  1. Pierre-Louis Lacretelle aîné : Plaidoyer pour deux Juifs de Metz contre l'Hôtel de Ville et le Corps des marchands de Thionville. Textes de 1777 et de 1823 avec deux portraits de P-L. Lacretelle, une lettre de Jacques de Lacretelle à André Spire et une préface d'André Spire. Paris, Librairie Lipschutz, 1928.    Retour au texte.
  2. Jahrbuch der Gesellschaft für lothringische Geschichte und Altertumskunde,1908, et Festschrift zur Einweihung der Neuen Synagoge in Diedenhofen, 1913.    Retour au texte.


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