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Le costume des Juifs d'Alsace
et plus particulièrement celui des juifs de Rosheim
par Martine WEYL


C'est dans les archives familiales, notes manuscrites, croquis et références bibliographiques, que se trouvaient une partie des documents figurant dans cette courte étude illustrée de nombreuses reconstitutions de costumes portés par les juifs d'Alsace et plus précisément par les juifs de Rosheim au 18ème siècle, complétant ainsi l'article : Le costume des juifs d'Alsace écrit par Robert Weyl et publié en grande partie dans l'ouvrage : Regards Nouveaux sur les juifs d'Alsace.
Il est également important de placer le costume des juifs de Rosheim dans le contexte de l'époque, en le comparant avec celui des juifs vivant à Frankfurt a/M. pendant la même période.
Dans leur manière de s'habiller, les juifs durent toujours tenir compte, à la fois des règles qu'ils s'imposèrent à eux-mêmes mais aussi des obligations et interdits que leur imposaient les nations parmi lesquelles ils vivaient.
Cet article a été enrichi par des croquis et études dessinés à la plume par Robert Weyl, figurant dans ses archives. Les peintures ont été réalisées à la gouache ou à l'aquarelle, à partir de documents de l'époque par Martine Weyl.

13ème siècle.

Juif portant comme marque distinctive un chapeau pointu, appelé "Judenhut" dans les régions de langue germanique, ainsi qu'une longue robe par-dessus ses vêtements.


16ème siècle



L'homme porte un chaperon appelé "Gugel, Kappe", sorte de capuchon habillant la tête et se prolongeant sur les côtés par de longues bandes de tissu appelé "liripipe" que l'on laissait retomber sur les côtés, ou, le plus souvent, que l'on drapait autour de la tête et autour des épaules. L'homme et la femme ont l'obligation de porter la rouelle, morceau de tissu en forme d'anneau de couleur jaune ou rouge et cousu sur l'avant des vêtements afin de distinguer les juifs. La femme doit également porter sur sa tête un voile appelé "oralia" ou "orale", voile qui prit bientôt une forme pointue désignée sous le nom de "coralia"  ou "cornu", en allemand "Flieder", "Sendelbinde" ou "Ries".

17ème siècle

Mari et femme se rendant à la synagogue dans leur vêtement du Shabath et des fêtes.

Le costume de l'homme se compose d'un béret appelé aussi barrette ou "Breithaupt", d'un manteau à manches, ou "Schulmantel" descendant au dessous du genou, orné au col d'une imposante fraise, d'une veste ou redingote à boutons, culotte et bas.
La femme porte également le manteau pèlerine orné d'une fraise, ainsi que le "viereckiger Schleier", sorte d'une coiffe enserrant la tête  flanquée de chaque côté de deux grandes ailes dressées.

Juif de Rosheim en 1755
Pour se rendre à la Cour, solliciter la révision du procès contre Hirzel Lévy, Menkeh Lévy et Moyse Lang, le Préposé Général Lehmann Netter de Rosheim a revêtu l'habit de cour.
Dans le Shul'han Aroukh il est admis qu'un juif est autorisé à s'habiller comme les non-juifs et à porter une perruque, lorsqu'il se trouve en présence du souverain.
Juifs de Rosheim en 1762
Les jeunes mariés de Rosheim. Le marié (17 ans) porte un béret, un manteau-pèlerine à collet plissé, une longue veste avec culotte et bas blancs. Le costume de la mariée (15 ans) est proche de celui des filles d'Alsace, avec corsage en pointe, jupe et tablier. Elle est coiffée d'un petit bonnet à nœud. Mari et femme se rendant à la synagogue. Le costume de l'homme est très proche de celui porté par les juifs rhénans : béret appelé aussi barrette, manteau pèlerine descendant au dessous du genou, veste à boutons, culotte et bas. Il ne porte pas la fraise, mais un collet avec plis. Le vêtement de la femme est plus proche de celui des filles d'Alsace que de celui des dames juives de Frankfurt a/M. Elle porte une blouse à manches s'arrêtant au coude, un plastron triangulaire, une jupe très ample, et un tablier, inséparable du costume alsacien. Mais elle a conservé le "viereckiger Schleier", sorte de cornette aux origines médiévales, que les élégantes strasbourgeoises allaient remettre à la mode. Marchand de bestiaux dans ses vêtements de tous les jours.

Juifs de Rosheim au 19ème siècle

1805. Colporteur juif, marchand de vieux habits,
dans ses vêtements de tous les jours.
1860. Mari et femme se rendant à la synagogue.

Juif en Sarjeness

Vêtement funéraire porté aux fêtes de Rosh ha-Shana et de Yom Kippur et dont l'usage remonte à l'époque talmudique. Il est confectionné à l'occasion du mariage du juif.

C'est une tunique en toile de lin blanche avec ceinture, descendant jusqu'au sol. Elle est pourvue de manches amples et d'une cape, resserrée au col par une cordelette. Elle doit être sans coutures et sans nœuds.

Evolution du costume des rabbins

17ème et 18ème siècles

Rabbin portant la toque de fourrure. Les rabbins souvent originaires d'Allemagne ou d'Europe centrale avaient conservé l'habitude de porter un bonnet de fourrure de leur séjour en Pologne.
Ce chapeau de fourrure devint, peu à peu, un signe de dignité rabbinique

19ème siècle

Rabbin en soutane ornée d'un rabat et portant le tricorne.

Début du 20ème siècle

Rabbin se rendant à la synagogue, il porte une soutane ornée d'un rabat et un chapeau rond et plat.

Après la deuxième guerre mondiale.

Rabbin en soutane portant une sorte de toque de magistrat que les rabbins allemands et autrichiens avaient déjà adoptée au 19ème siècle. Il porte un tallit ou châle de prière. 

 

   

Comparaison entre le costume des juifs de Rosheim et celui de Frankfurt am Main

Il convient également de replacer le costume des juifs de Rosheim dans le contexte de l’époque. Ainsi, grâce à des documents anciens, on peut faire la comparaison entre leurs vêtements et ceux de juifs vivant à Frankfurt a/M. pendant la même période.

Le costume des hommes est très proche de celui porté par les Juifs de Frankfurt a/M. en 1733: béret, appelé aussi barrette, manteau-pèlerine descendant un peu au dessous du genou, culotte et bas. La fraise est abandonnée au profit d'un collet sans plis. Les femmes portent un vêtement plus proche de celui des filles d'Alsace que de celui des dames juives de Frankfurt a/M : blouse à manches courtes, corselet à laçage se terminant en pointe, jupe ample, laissant voir bas et chaussures, et surtout, ce tablier inséparable du costume alsacien, à la ville ou à la campagne. La mariée semble porter un petit bonnet à nœud, alors que la mère de la mariée porte encore le "viereckiger Schleier", une sorte de cornette qu'on aurait tort de prendre pour le grand nœud alsacien, qui n'apparaît qu'au début du 19e siècle.

A l'exception de la fraise, le costume des hommes est le même que celui des Juifs de Rosheim. Les femmes portent aussi la fraise, une pèlerine et la jupe touchant le sol. La cornette leur donne une allure très médiévale.


1. Scène de mariage à Rosheim (Alsace) 1762.
Dessin à la plume Martine Weyl

2. Jeune fille en vêtement  de mariée.
(Mappa de l'enfant Jacob, fils d'Isaac Netter, de Rosheim.1762)
Dessin à la plume Martine Weyl

3.  Scène de mariage à Frankfurt a/Mein.
 (Bois gravé. Minhagim. Frankfurt a/M 1733)

 

4, 5, 6 : Etude comparative entre une femme juive de Rosheim, (5) d'après la Mappa de 1762, à côté d'une femme juive de Frankfurt a/Main (6) portant le viereckiger Schleier et la fraise, et d'une bourgeoise chrétienne de Strasbourg (4) d'après un tableau se trouvant à l'église St Guillaume et reproduit sur une planche de Piton.

Cette juxtaposition d'images, montre la liberté d'allure de la Juive de Rosheim par rapport à celle de Frankfurt a/M, engoncée dans sa fraise, et limitée dans ses mouvements par sa cape. Quant à cette cornette, dite "viereckiger Schleier", qui caractériserait le costume de la Juive allemande, elle ne devait pas tellement surprendre les bourgeois de Strasbourg, qui voyaient les élégantes strasbourgeoises aller "à la communion" dans une coiffe aux dimensions impressionnantes (4).

Il s'agit là de costumes de cérémonie, le vêtement de tous les jours étant beaucoup plus simple. Selon une tradition orale les femmes catholiques portaient une jupe rouge, les protestantes une verte, quant aux juives le violet leur était réservé. Mais cette répartition des couleurs était loin d'être aussi rigoureuse, les protestantes portant indifféremment le vert, le violet, plus rarement le rouge, un rouge différent du rouge écarlate des catholiques.

Cette petite étude permet de se représenter l'évolution du costume des juifs d'Alsace depuis le moyen-âge jusqu'au début du XXe siècle, résultant à la fois de leur propres règles mais aussi des marques distinctives qui leur étaient imposées. Elle montre également avec plus de précisions le costume des juifs vivant à Rosheim au XVIIIe siècle, qui fut nettement influencé par celui des habitants parmi lesquels ils vivaient.


Traditions Judaisme alsacien
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