Gérard Dreyfus
documents fournis par sa soeur, Madame Huguette Kottek

Gérard Dreyfus, louveteau
Gérard Dreyfus né le 16 octobre 1933 à Strasbourg avait entre 9 et 12 ans quand il a fréquenté les EI en pleine guerre, Voici ce qu'il en avait retenu quand peu avant son décès : le 3 juillet 2009 il a enregistré ses mémoires de guerre destinées à l'unique petite-fille qu'il a pu connaître, Milena, âgée de dix ans à l'époque.

Limoges 1941 :
J'allais à l'école au lycée Gay-Lussac et j'étais aussi inscrit chez les EI, les scouts juifs. Ma cousine Madeleine y était cheftaine et elle a insisté pour que j'y sois inscrit aussi. Tous les jeunes juifs étaient dans les mouvements juifs parce qu'il n'y avait pas d'autres distractions. Les autres mouvements furent rapidement interdits aux Juifs. Le résultat paradoxal fut qu'il y avait une ambiance terrible dans les mouvements de jeunesse juifs, en plein essor, un sentiment de communauté aussi. On s'entendait très bien, il y avait les chefs et c'était très sympathique. Il y avait des marches, des jeux, des chants, de l'amitié, bref, toutes les activités scoutes, plus la solidarité. On a même fait un camp d'été en 1941, près de Limoges.

Limoges 1942 :
Début de la ségrégation des juifs :
Les EI ont continué leurs activités même après l'arrivée des Allemands, mais nous ne sortions plus en tenue, mais en civil. Nous prenions le tram et allions dans la banlieue de Limoges, jusqu'à la forêt. On se cachait plus ou moins.

Arrivé dans les camps de refugiés en Suisse en 1944 après avoir passé clandestinement la frontière en famille :
Ensuite, nous sommes partis jusque dans une grande maison près de Genève où il y avait surtout des enfants, des dizaines d'enfants qui jouaient dans la cour, mais peu de parents. Beaucoup avaient été passés par des réseaux de résistance, par la Résistance juive, dont particulièrement l'OSE et les EI, qui avaient pris le nom de Sixieme à la fin de la guerre, camouflée au sein de l'Union générale des Israélites de France (UGIF).

Domicilié dans une pension de famille à Evilard en Suisse en 1944 avec ses parents :
Je suis allé aux Éclaireurs protestants parce que la fille de la directrice était cheftaine de la troupe. Le 1er août, on a allumé un grand feu de bois dans la montagne, on a chanté des chants patriotiques parce que c'était la fête nationale suisse.

Retour à Limoges en 1945 :
Là, je suis retourné aux EI et le grand souvenir a été, à l'été 1945 le camp national du Chant Nouveau (d'après le livre d'Edmond Fleg, le poète et écrivain d'origine suisse, qui était le président d'honneur). Beaucoup avaient été cachés et n'avaient pu se montrer pendant longtemps, Très émouvant, une ambiance formidable. Les commissaires habitaient à l'hôtel des Roches, qui existe toujours mais qui est fermé, au Chambon-sur-Lignon.
... Ravitaillement difficile, on n'avait pas grand chose à manger mais le dernier jour il est arrivé des tonnes de viande, qu'on a dû enterrer parce qu'on ne savait pas quoi en faire. C'était vraiment malheureux.
A la fin du camp, on est retourné à la gare de Saint-Etienne et je devais prendre le train avec le groupe jusqu'à Limoges. Mais je me suis endormi et ils sont partis sans moi. Il y avait Jean-Paul Nathan, le rédacteur en chef du journal des EI qui m'a interviewé et j'ai dit : "C'est honteux, on m'a laissé tout seul, ils m'ont complètement oublié". Dans le numéro suivant, en première page, il y avait une photo de moi avec le titre "Gérard est un râleur".

Les deux troupes des EI strasbourgeois vers 1947

Retour à Strasbourg en 1946
J'ai fait ma Bar-Mitzva en 1946. La cérémonie s'est déroulée dans la "salle de la Marseillaise", qui faisait office de synagogue, la grande synagogue du quai Kléber ayant été détruite par les nazis en 1940.
Je me souviens aussi qu'avec les EI, où j'étais retourné, nous avons été une fois à la gare de Strasbourg pour accueillir un train de déportés. Les femmes portaient des fichus, à la mode d'Europe de l'Est. Nous leur avons servi de la soupe. Je me souviendrai toujours de ce moment là, de leurs regards : ils avaient des yeux à la fois fixes et vides. C'était terrible.

En 1947, j'ai fait un jamboree près de Paris.
Du monde entier, des scouts, et un grand rassemblement avec la femme de Baden-Powell, qu'on considérait comme Dieu lui-même!. Un petit train faisait le tour du camp, il y avait un tas de spectacles, c'était très bien.

Jamboree de Moisson 1947 - la patrouille d'Alsace

En 1947, pendant un camp dans les Vosges, création de l'Etat d'Israël :
nous écoutons le vote de l'Assemblée de l'ONU, le vote a été positif.


Excursion dans les Vosges, 1947
 
Excursion dans les Vosges, 1948


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