Arnold BAER
1931-2007
Ces documents nous ont été communiqués par sa fille, Anne BAER


Né à Butzbach (Allemagne), qu’il quitte en 1936 avec sa famille proche pour s’installer en Alsace, à Molsheim, où ses parents remontent un magasin de vêtements.
Début 1940, comme les autres Alsaciens, évacués vers le sud-ouest, ils arrivent à Périgueux où il peut mener une vie communautaire et E.I.
Fin 1942, la famille passe la frontière suisse clandestinement. C’est à Engelberg qu’il sera bar mitsva en février 1944.

De retour à Molsheim en 1945, il reprend ses études à Obernai, puis à Strasbourg, tout en fréquentant les Eclaireurs Israélites de la troupe Becht. Il participe au fameux Jamboree de la Paix en 1947, premières retrouvailles mondiales de l’après-guerre. Il sera totémisé Marabout.
Remportant les concours, il intègre l’Ecole centrale et monte à Paris, laissant Rolf son frère à Molsheim auprès de ses parents et de l’affaire familiale.
Naturalisé Français, il fait son service militaire dans l’artillerie - dont une année comme lieutenant en Algérie.

Il épouse Colette Veil (Caribou) l’été 1958 dans les jardins de l’Ecole Gilbert Bloch à Orsay et s’installe non loin quelques années plus tard à Fontenay-aux roses, près de l’Ecole centrale, et de ses employeurs successifs. Il fera toute sa carrière comme ingénieur nucléaire, s’occupant pour les dernières années des relations entre la France et l’Allemagne pour Novatome et Framatome.
A Fontenay-aux-roses, ils rencontrent quelques autres Juifs des alentours, parfois rapatriés d’Algérie, parfois survivants, et fondent la communauté israélite locale avec Moïse Choukroun, Paul Attelan, et plus tard Moïse Méniane qui deviendra ministre officiant et maître du Talmud Torah.
Arnold Baer s’est toujours beaucoup investi dans la recherche et la construction, puis dans la marche quotidienne de la communauté (oulpan, travaux divers, trésorerie, activités pour les jeunes, création du groupe local EI Bialik, cercles d’étude…), dont il a été secrétaire, puis président, jusqu’à son immigration en Israël avec Colette en 1992.

Installé à Jérusalem, il reprend de l’activité communautaire, retrouve ses anciens amis alsaciens et EIs, certains anciens d’Orsay aussi, et s’occupe du Centre Yaïr, consacré à Manitou, après la mort de ce dernier en 1996. Et consacre plus de temps à l’étude… jusqu’à sa dernière maladie qui l’emporte le 25 Av 5767.
Arnold-Marabout et Colette-Caribou sont les parents de Sylvie, Marion, Anne et Mikaël, tous installés en Israël, et (arrière) grands-parents d’une grande famille.
Arnold Baer repose au cimetière de Givat Saul, non loin de certains amis EI et alsaciens.

Les récits ci-dessous sont extraits de son autobiographie inédite.

Eclaireur Israélite... de Périgueux à Strasbourg

Louveteau à Périgueux

Périgueux est le chef-lieu du département de la Dordogne. Lors de l'évacuation de Strasbourg et de la bande frontalière longeant le Rhin, en septembre 1939, les populations évacuées furent expédiées par trains entiers dans les départements de la Dordogne et de la Haute-Vienne (capitale : Limoges). L'université de Strasbourg fut installée à Clermont-Ferrand.
En juillet 1940, après l'armistice et l'annexion de l'Alsace et de la Moselle à l'Allemagne, la plupart des évacués retournèrent chez eux. Il n'était pas question que les juifs alsaciens y retournent aussi, au contraire : ceux d'entre eux qui n'avaient pas fui devant les nazis, furent aussitôt expulsés et vinrent aussi dans le midi, en zone non-occupée.

La Communauté juive de Strasbourg s'était surtout installée à Périgueux et à Limoges, certaines institutions étant relogées dans les environs. La vie communautaire fonctionnait. Il y avait notamment au coin de la rue que nous habitions la seule boucherie cachère. Il y avait une synagogue installée dans une baraque, sur la rive "gauche " de l'Isle, à Trélissac. Le rabbin s'appelait Schwartz et les offices étaient dirigés par le 'hazan (le chantre) de Strasbourg, M. Borin, un ténor formé dans la tradition de la grande 'hazanouth d'Europe Centrale.

A part le logement, il y avait la question de la nourriture. A notre arrivée, nous traversions avec émerveillement le marché tout proche. Il y avait abondance de tout, fruits, légumes, salades, fromages, beurres salés et non salés, charcuterie et cochonnaille, volaille, lapins. La volaille - poulets, poules, dindes, canards, oies, pigeons - était vendue seulement par paire.
Le sho'heth (boucher rituel), M.Weiss, autre 'hazan à la voix de basse, opérait dans son appartement tout proche, rue Taillefer, au-dessus de son évier de pierre. Autour du marché, se groupaient toutes sortes de boutiques, où se vendait l'épicerie, la quincaillerie, les articles de ménage, et il s'y trouvait aussi un atelier de mise en boîte (de conserve), des buvettes, etc. La boulangerie se trouvait dans la rue Limogeanne, juste en face de la rue de la Miséricorde. Seule difficulté de ravitaillement rencontrée alors : pour Roch hachana, il nous fallait une pomme douce, particulièrement douce. Notre mère ramena donc du marché de très jolies pommes et la marchande avait garanti qu'elles étaient les plus douces. Mais quand on les goûtait, après une seconde, la douceur dans la bouche se changeait en âcreté. Mauvais présage, à la veille de Roch Hachana ? Maman retourna au marché, et demanda des pommes pas douces, vraiment pas douces. "Mais oui, ma petite dame, mes pommes sont les meilleures et elles ne sont pas douces du tout, je le garantis." Elle les rapporta à la maison : cette fois-ci elles étaient bonnes, un peu acidulées, mais bonnes. Nous l'avions tous échappé belle.

C'était encore la période des grandes vacances. Cela nous permettait d'explorer un peu les environs. Il était difficile de se faire des camarades de jeu parmi les enfants du pays. Nous n'avions pas leur accent, et ils nous traitaient de boches. La rentrée des classes était traditionnellement le premier octobre. Mon frère et moi fûment inscrits dans une annexe d'un lycée, lui en onzième, moi en huitième. Quelques jours après, ce furent les grandes fêtes.

Les offices des grandes fêtes se tenaient dans une salle paroissiale, avec une scène à l'avant. S'y tenaient les rabbins, les ministres officiants et les responsables de la Communauté. Les "placeurs" et "placeuses" étaient des filles et des garçons en uniforme de scouts. A l'âge de neuf ans j'étais bien sûr fasciné par le cérémonial et les airs, mais bientôt j'allais rejoindre les autres enfants qui jouaient dans la cour, à l'entrée de la salle. Quelques adolescents essayaient de nous surveiller. Je ne connaissais personne. Je fus abordé par une jeune fille qui se renseigna sur mon âge, mon nom et me demanda si je voulais faire partie des "louftos" (plus tard on m'expliqua le sens du mot louveteau) après m'avoir fait expliquer de quoi il s'agissait, je donnais mon accord et obtins la permission des parents. C'est ainsi que commença mon parcours E.I.

Louveteaux à Périgueux

Cela débuta par une espèce de patronage, les Shomrim, dirigés par un jeune homme au nom de Jean-Paul Bader, dit J.P. Pendant les fêtes de Souccoth et à d'autres occasions les jeunes étaient réunis dans une autre salle et on y priait en chantant, on organisait des on'gué shabath (1) et des promenades aux alentours de la ville.

Un jour, je fus convoqué à la première réunion de la meute. Il fallait un uniforme : culotte de drap bleu marine, chemise bleue, blouson bleu marine et béret basque. Dès le début je me retrouvai sizenier (2), à la tête d'une demi-douzaine de petits garçons. Jean Kahn [il s'agit d'un Jean Kahn originaire de Phalsbourg, futur père de Daniel], dont les sœurs Ibis et (?) étaient cheftaines d'éclaireuses, était lui aussi sizenier. Il y eut bientôt un groupe local complet avec louveteaux, éclaireurs, routiers E.I. et, dans le cadre de la F.F.E. (Fédération Française des Eclaireuses), petites ailes et éclaireuses.

Pour moi, venant de la campagne, c'était quelque chose d'entièrement nouveau d'avoir autour de moi tous ces nouveaux copains, tous juifs. Les amitiés qui se nouèrent alors durent encore. Il y avait des réunions de meute (2) toutes les semaines, nous n'avions pas de local fixe. Bientôt on lança aussi des activités de sizaine (2), et on se réunissait rue de la Miséricorde, chez nous ou chez un autre louveteau. Il fallait confectionner le fanion de sizaine, les "loups gris", nous avions un métier de sizaine, un chant de sizaine. Rien ne manquait : nous recevions les insignes qu'il fallait coudre sur le béret et sur la chemise, le foulard, au fur et à mesure que nous gagnions une étoile, ou un badge.

Il y avait les sorties dans les environs de Périgueux, et puis, en été 41, le camp de meute à Thiviers, quelques 30 kilomètres au nord. J'avais connu par deux fois les colonies de vacance dans la vallée de la Bruche, à Wildersbach et à Fouday, avant la guerre. Cela n'avait plus rien à voir avec un camp scout. Nous couchions dans une grange, sur une couverture étendue sur la paille. Nous vivions dehors, en sizaine. Il y avait les jeux, les grands jeux, les concours entre sizaines, les batailles au foulard, le ballon-prisonnier, les jeux de piste, les manœuvres de nuit, les feux de camp, les ateliers, la B.A. quotidienne, tout était nouveau.

Eclaireur à Strasbourg - la "troupe des isolés"

Je repris contact avec les E.I. de Strasbourg. Il y avait une troupe, Cerf-Berr, qui fonctionnait déjà. Une autre, Becht, était en formation. Parmi les responsables figuraient notamment : Jean Kosmann (Pingouin), Elie Weiller, André Fraenkel (Pélican), Georges Weill, Lazare Landau, Max Gay (Courlis), et plus tard Jack (Loup) et Colette Meyer-Moog. Le dimanche, deux d'entre­eux venaient dans la région pour contacter et réunir les jeunes juifs disséminés dans les petites villes et villages des environs. Ils réussirent ainsi à regrouper une dizaine de garçons de mon âge, dont Jean Blum à Obernai, Claude Strauss à Mutzig, Jean Blum à Obernai, Roger Kahn à Westhofen, les frères Blum à Balbronn, Edmond Abraham à Kolbsheim, Pierre Lévy et moi à Molsheim, et quelques autres de Barr ou Epfig. On nous appela la "troupe des isolés", intégrée au Groupe Local Becht. C'était Pélican qui avait choisi ce nom, par référence au Baal Chem Tov, dont il était un admirateur. On fit quelques sorties, mais il était difficile de regrouper plus de quatre ou cinq garçons à la fois. Une petite minorité avait eu une expérience scoute au préalable : Pierre Lévy avait été éclaireur en Auvergne chez les E.U. (Unionistes), protestants, Claude Strauss chez les E.D.F. (neutres) et moi chez les louveteaux E.I. à Périgueux. Je disposais d'un vélo, ce qui me permettait de rayonner autour de Molsheim et de voir les uns ou les autres.


1947, Jamboree de la Paix à Moisson, les deux troupes d'Eclaireurs Israélites d'Alsace. en partant du dernier rang à droite :
Jean Kahn, Elie Weiler (Chef de camp), Claude Meyer (5ème), Arnold Baer (Marabou, 12ème), et également Pierre Kogan (Lynx), Max Gay (Courlis),
Rolph Malz, Claude Strauss, Pierre Levy, Jean Blum, X? Marx, Gaston Wormser, Jean-Paul Reve, Louis Schwab,
2ème rang: Jean-Claude Lévy (Lama), Jacques Schwab, Gérard Dreyfuss, Gérard Teller, Jean-Claude Katz, David Rouzie, 1er rang: Daniel Revel, Sammy Kottek.

Le premier camp eut lieu en été 46 à Tamié, en Haute-Savoie, entre Albertville et Faverges. Nous campions sous tente sur un terrain appartenant à l'abbaye de Tamié, qui hébergeait des moines trappistes, et situé au­dessous de celle-ci. Les éclaireurs venaient de Strasbourg et de la campagne environnante. Le camp était dirigé par Pingouin (Jean Kosmann, le cousin de Mady Caen), assisté de Pélican et de Kangourou (Jean Kahn). Pour tous, notamment pour la maîtrise (3), ce devait être le premier camp. L'équipement des scouts était pauvre, et on voyait cela surtout aux chaussures. Très peu étaient équipés de chaussures de marche. On nous fit néanmoins entreprendre des excursions en montagne, entre 1000 et 1800 mètres. La maîtrise n'avait visiblement pas la connaissance de la montagne, et demandait souvent des choses très au-delà du raisonnable.

Je me rappelle ainsi de deux "jeux" qui auraient pu mal se terminer.
L'un, c'était un jeu, qui devait durer une après-midi. J'étais chef de patrouille et on m'expliqua en quoi consistait le jeu. Avec ma patrouille je devais monter sur une hauteur, 300 ou 400 mètres au-dessus du camp, et le reste de la troupe serait lancé à notre recherche. Nous devions les attendre, ils apporteraient de quoi goûter, et on redescendrait ensemble. Nous partîmes donc en avance, en direction de cette hauteur, sur laquelle je voyais une ou deux maisons de berger. C'était plus loin que les chefs l'avaient estimé, mais ma petite troupe arriva au lieu dit au bout de deux heures environ, et on s'installa pour observer la montée du gros de la troupe. Au bout d'un certain temps on vit sur le sentier un groupe de jeune qui venait dans notre direction. Nous lui fîmes de grands signes, mais quand ils furent à proximité nous devions constater que ce n'était pas les nôtres, mais une autre troupe, avec sac au dos, très bien équipée pour la montagne. Ils n'avaient vu personne de la troupe Becht. L'après-midi allait toucher à sa fin et je décidai qu'il fallait redescendre au plus vite. Mais à la descente il était plus difficile de distinguer le bon sentier, et les éclaireurs, inquiets, s'engagèrent, contre ma volonté dans un ravin, et très vite je perdis tous les repères. Le jour tombait, il n'était pas question de continuer à marcher. Personne n'était équipé pour marcher dans ce terrain, et la fraîcheur commença à tomber. Au dernier moment nous aperçûmes une hutte de berger, facile à ouvrir. Il y avait un peu de paille ou de foin, et on trouva même quelques pommes de terre. On alluma un feu et on fit des pommes de terre sous la cendre. C'était délicieux. On se blottit l'un contre l'autre et on s'endormit, jusqu'au petit matin. On retrouva de suite le début d'un sentier, et en une demi-heure on retourna au camp où on trouva une maîtrise un peu affolée, qui ne voulait pas croire qu'elle nous en avait trop demandé, et qu'elle n'avait pas rempli sa partie du "contrat".

L'autre, c'était une "explo" de patrouille de deux jours. On nous avait déposés dans une autre vallée plus au nord, parallèle à la vallée où se trouvait Tamié. Equipé d'une carte d'Etat-Major, de sacs à dos, avec ravitaillement et couverture, on nous avait fixé une première étape dans une bergerie, où nous devions bivouaquer, Le lendemain nous sommes repartis par un sentier de montagne, avec pour objectif de traverser la chaîne de montagnes qui nous séparait de Tamié. La carte comportait bien quelques indications, mais pas de sentier balisé qui nous aurait conduit facilement de l'autre côté, Devant nous il y avait quelques sentiers empruntés par les vaches pour rejoindre leur pâturage, mais au-delà, les chemins se perdaient dans la pierraille. On choisit un "col" entre deux sommets et on réussit à l'atteindre. De l'autre côté, on voyait des pentes boisées qui descendaient, mais au-delà on ne pouvait que deviner notre vallée. Nous étions à une altitude d'environ 2000 mètres. Les pentes boisées étaient entrecoupées de trouées dans lesquelles on devinait des torrents. Je décidai de suivre autant que possible la ligne boisée en restant au-dessus des torrents, car dans le fond on voyait les rochers et la pierraille dans lesquels il fallait éviter de se hasarder. Très peu avaient des souliers cloutés comme moi. Certains avaient même perdu talon ou semelle de leur chaussure. Les éclaireurs commençaient à fatiguer. A partir d'un certain moment, quelques-uns se mirent à se révolter, et la moitié environ s'engagea dans un ravin, pensant pouvoir descendre plus vite. N'arrivant pas à les en empêcher, et n'ayant pas trouvé de chemin tracé, je fus obligé de les suivre. La conséquence ne se fit pas attendre longtemps. Un des garçons dérapa d'un rocher et après une glissade finit par s'arrêter quelques mètres plus bas. On pansa tant bien que mal ses plaies qui, heureusement, n'étaient que superficielles. Mais la leçon était suffisante. Ils se regroupèrent, on sortit du ravin, et on finit par trouver un sentier, ce qui nous facilita la descente. Arrivés sur la route de Faverges, on la remonta lentement en direction du Col de Tamié. Au bout d'un certain temps, oh surprise, nous fûmes rejoints par un véhicule, dans lequel se trouvaient les chefs de troupe, qui avaient passé tranquillement leurs deux jours d'"explo" dans le camp des éclaireuses (Micheline (4) se souvient de la visite étrange de ces chefs dans leur camp), qui devait être à quelques dizaines de kilomètres de là ! Pour sa part, Rolf qui était dans une autre patrouille avec Samy Kottek, se souvient d'une aventure analogue.

Nous avions de bonnes relations avec les pères de l'abbaye, des trappistes. Ces moines avaient fait vœu de pauvreté et de silence. En principe, ils ne devaient pas tenir de conversation avec d'autres. Pour les relations avec les gens de l'extérieur, un des moines suffisait pour les assurer. L'abbaye nous fournissait le lait, le beurre et le fromage, la fameuse tomme de Savoie.

A la fin des trois semaines de camp nous avions réussi de finir le montage des "astuces" de camp telles que tables et bancs, étagère pour ranger la vaisselle, foyer surélevé pour pouvoir faire la cuisine debout, observatoire, douches, tatites (toilettes), etc. C'était trop beau, mais la veille du départ il a fallu tout démonter. Sauf erreur la rentrée se fit un jour de 9 Ab, dans de vieux trains bondés, dans la chaleur et la crasse.

Badges du Jamboree
L'année suivante, 1947, était celle du premier Jamboree d'après-guerre. Toute l'année était consacrée à la préparation. Les E.I. d'Alsace devaient envoyer une troupe. Castor (Robert Gamzon) vint faire une tournée d'inspection lors d'un camp préparatoire dans le Haut-Rhin au printemps 47. Les camps de 1946 avaient permis la familiarisation des El aux techniques scoutes, et les astuces de camp étaient montées en quelques jours. Je fus admis dans la troupe du Jamboree.

A Obernai j'avais terminé la seconde C (mathématiques et latin) et je fus inscrit pour la rentrée au Lycée Kléber de Strasbourg, en première moderne. Rolf, entré en sixième au collège d'Obernai, devait y rester jusqu'à la fin de la troisième (1949).

Le Jamboree se tint à Moisson, à l'ouest de Paris, dans un terrain presque totalement entouré par une des boucles de la Seine. La troupe E.I. de la province Alsace comportait quatre patrouilles, dont une fournie par la troupe Becht. On se trouvait ensemble entre jeunes garçons qui se connaissaient déjà. Autour de nous campaient des délégations de tous les pays du monde. Je crois que les E.I.F. étaient le seul mouvement à caractère juif, il y avait des troupes d'autres religions chrétiennes et musulmanes dans la délégation française et dans d'autres délégations. Les plus impressionnants étaient les Américains, bardés du maximum de badges, grands, bien nourris, avec du matériel moderne. J'y ai noué des relations et pendant longtemps il y eut des échanges de lettre. Une des activités majeures du Jamboree, en dehors des grands rassemblements, était constituée par l'échange d'insignes et de badges. J'ai conservé pendant longtemps, un panneau sur lequel j'avais rassemblé tous les insignes collectés, ainsi que la collection complète du journal du camp.

C'est aussi au Jamboree que les amitiés qui nous reliaient, Claude Strauss de Mutzig, Pierre Lévy de Molsheim et moi, se renforcèrent. Nous avions atteint l'âge de seize ans et nous cherchions d'autres activités que celles offertes par une troupe d'éclaireurs. On se mit donc d'accord sur un projet de route, composée de trois routiers (c'est ainsi que l'on nommait les aînés), sans chef.

Notes :

  1. Oneg shabath (litt."plaisir du Shabath") : réunion récréative du samedi après-midi.
  2. Le groupe de louveteaux s'appelait "meute" ; il était divisé en "sizaines" (équipe de 6 enfants environ), à la tête de chacune d'elles se trouvait un "sizenier".
  3. La maîtrise : l'équipe des chefs.
  4. Micheline : l'épouse de son frère Rolf.

© A . S . I . J . A .