Edmond Fleg
1874 - 1963


Edmond Fleg pendant la 1ère guerre mondiale
Edmond Flegenheimer dit Edmond FLEG naît à Genève le 26 novembre 1874.
Issu d'une famille alsacienne venue s'installer à Genève après la guerre franco-allemande de 1870, Edmond Fleg a été imprégné, dans son enfance, de culture.
Sensibilisé par l'Affaire Dreyfus, Edmond Fleg prend conscience de sa vocation juive à laquelle il demeurera fidèle pour le restant de ses jours. Il a passera sa vie à approfondir ses connaissances du judaïsme et à les partager à travers ses écrits.
Il compléte ses études à Paris où il s'établit définitivement, et il combat en qualité de volontaire la Légion étrangère pendant la première guerre mondiale
Il est l'auteur d'une vaste fresque poétique en quatre volumes : "Écoute Israël", "L'Éternel est notre Dieu", "L'Éternel est Un", "Et tu aimeras l'Éternel". Il a également traduit une partie de la Bible en français : "Le Livre du Commencement : Genèse" (1946) et "Le livre de la sortie d'Égypte" (1963). Il a aussi été librettiste d'opéra pour Ernest Bloch (Macbeth) et Georges Enesco (Œdipe).
Dès la création des Éclaireurs Israélites de France (E.I.F.) en 1923, il devient est le président d'honneur du mouvement, l'inspirateur et le conseiller de son fondateur Robert Gamzon.
En 1940, les deux jeunes fils d'Edmond Fleg meurent tragiquement, presque en même temps, l'un, militaire sur le front et l'autre met fin à ses jours à Paris.
Après la guerre Edmond Fleg fonde l'Amitié Judéo-chrétienne de France avec Jules Isaac, en 1948. Il devient aussi membre, après guerre, de l'Alliance israélite universelle.


Il décède à Paris, le 15 octobre 1963

Œuvres

Nous d'Edmond FLEG
par André Neher
Extrait du Bulletin de nos Communautés, jeudi 31 octobre 1963

En paraphrasant, dans le titre de cet éditorial, celui de l'un des ouvrages les plus pathétiques d'Edmond Fleg Nous de l'Espérance, nous aimerions faire sentir d'emblée combien nous sommes et restons liés à celui qui vient de nous quitter après nous avoir tant donné. Il n'est de juif français au XXe siècle qui n'ait grandi, mûri, acquis son identité, ses raisons d'être et de s'affirmer, qui n'ait cueilli la fierté et la joie de son espérance avec Edmond Fleg, grâce à son message direct ou à travers tous ceux dont il était l'inspirateur. Tous, nous sommes, à un titre ou à un autre, enfants d'Edmond Fleg, ses orphelins maintenant.

Dès avant 1914, pour cette génération au tournant des siècles, où sévissait, en Europe occidentale, en France surtout, l'assimilation massive et irrésistible. Edmond Fleg avait su devenir l'un des représentants les plus originaux d'une intelligentsia nouvelle, fière de son judaïsme, prête à en porter le flambeau. C'était pour lui, comme pour Théodore Herzl, pour
Jules Isaac, pour André Spire, l'Affaire Dreyfus qui avait sonné l'alarme. Car devant cet agrégé d'allemand, au tempérament de poète et d'artiste, né à Genève, en 1874, venu jeune à Paris, une carrière littéraire s'ouvrait qui aurait pu faire de lui de ces enfants perdus du judaïsme européen, n'eût été l'Affaire et. son choc

Guidé par Charles Péguy, Fleg décide alors d'être le chantre inspiré de l'histoire juive. Par une délibération d'architecte, qui trace sur la feuille blanche les contours définitifs de l'édifice imaginaire, il construit l'admirable Ecoute Israël, véritable légende des siècles juive. Les premiers vers sont ceux d'un homme jeune dans les Cahiers de la Quinzaine en 1913. Les derniers paraîtront quarante ans plus tard, après quelles tourmentes, mais accordant leurs thèmes à ceux du début. Écoute Israël recouvre quasiment l'existence créatrice toute entière d'Edmond Fleg : ce recueil en marque l'unité profonde, mais au prix de quelles luttes a-t-elle été conquise !

Car jusqu'en 1926, l'année où dans l'En­fant Prophète, Fleg raconte et résume toute cette première période de son existence juive, le judaïsme n'avait été pour lui malgré tout, qu'une préoccupation secondaire. Dramaturge, il compose des pièces d'inspiration universelle. Homme. il se passionne pour les grandes causes humaines. Mais surtout, Juif, il souffre de la mièvrerie, de la timidité, de la banalité de la vie religieuse et doctrinale du judaïsme français, pour lequel "l'essentiel c'était la Barsché (1)".

En 1926 c'est une révolution qui s'opère. Deux découvertes le fascinent et l'entraînent alors le sionisme avec son programme constructif. Le scoutisme avec son idéal juvénile. Un voyage en Palestine fait de lui un sioniste militant. vibrant dorénavant d'un cœur égal et passionné pour la France et pour Israël Et presque en même temps il fonde, avec Castor, et préside les Éclaireurs Israélites de France. L'esprit qu'il leur insuffle permettra aux E I.F., lorsque grondera l'orage, d'être le mouvement juif du courage et du combat.

Dés lors, l'horizon spirituel juif est suffisamment vaste et stimulant pour Fleg pour qu'il renonce à toute production profane et se situe exclusivement à l'intérieur du judaïsme. C'est, jusqu'en 1939, l'époque féconde par excellence : Pourquoi je suis Juif, Ma Palestine, l'Anthologie Juive, les légendes, les traductions, les collections. Aucun événement de l'histoire juive, aucune parole inscrite dans un texte juif, aucune pensée née dans un esprit juif, aucun idéal forgé par une âme juive – rien de ce qui est juif n'est indifférent à Fleg. Mais rien non plus n'est définitif ou dernier. C'est moins sa compétence d'érudit qui a conduit Fleg à traduire, à éditer, à présenter des textes juifs, à repasser trois fois sur le métier sa superbe Anthologie Juive, que le désir de constituer un vaste répertoire permettant à l'homme juif d'inlassablement se dépasser, de tenir son rôle de messager de l'avenir et de pionnier messianique, d'entonner, s'il le fallait. du fond de l'abîme, malgré tout, un Chant Nouveau.

Ce Chant Nouveau, Edmond Fleg l'entonne en pleine guerre mondiale, qui lui ravit ses deux fils et six millions de frères. Il aurait pu, dès 940, après la mort de Maurice et de Daniel, choisir le silence et la retraite. Mais, avec son admirable compagne, il se décide au contraire pour la présence et la parole, pour le témoignage et l'action. Désormais, Ed­mond Fleg entre dans l'histoire non point comme écrivain seulement, mais en tant qu'homme, grandissant chacune de ses interventions aux dimensions d'une exigence héroïque et exemplaire.

Certes, il poursuit son œuvre littéraire, achève Écoute Israël, élabore des essais doctrinaux, reprend et amplifie des textes antérieurs rédige aussi les éléments d'une autobiographie dont Nous de l'Espérance est sans doute le document le plus bouleversant qu'un Juif français ait rédigé sur son expérience de la persécution. Mais au-dedans de cette prodigieuse et acharnée production, il y a quelque chose de plus qui l'anime et lui donne son sens véritable : la souveraine exigence de la Vérité et de la Justice. Guidant les jeunes maquisards juifs durant la guerre conseillant la communauté tout entière aptes la Libération, orientant le Congrès Juif Mondial dans ses options les plus graves ; éclairant l'intelligentsia juive dans ses perplexités et ses problèmes, inlassablement.

Edmond Fleg était, ces dernières années, l'interprète et le porte-parole de la conscience juive. Il était, au sens le plus propre du terme un des Justes, Tsadiqim, sur lesquels repose le monde par l'orientation active d'une vie qui l'a toujours conduit, en morale comme en politique, du côté du Bien ou plutôt : du Mieux, par la contagion rayonnante de son sourire, de sa bonté et de ses mains qui, sans jamais rester inactives, demeurèrent toujours et lumineusement pures.

Note :
  1. Barsché : la Parasha, la portion de la Torah que le jeune garçon doit lire à la synagogue lors de sa bar mitzwa. A son époque, on l'apprenait par coeur en hébreu sans en comprendre le sens (n.d.l.r.).


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