LES ÉCLAIREURS ISRAÉLITES EN ZONE NORD
1939 - 1945
Journal de Denise LEFSCHETZ (WEILL) à 16 ans en juillet 1942

Ce journal a été rédigé par Denise, la fille d'Emmanuel Lefschetz, pendant les jours qui sont précédé et suivi la rafle du Vel d'Hiv (16 juillet 1942). Il est resté inédit jusqu'aujoud'hui (2022)


Denise Lefschetz (Lionceau) à droite -
à sa gauche : Nicole Chilton
Mardi 14 juillet : L'anniversaire du camp du 14 juillet. C'était un jour si beau. Cela devait être fêté. Mais sans bien savoir on a dit "l'ambiance ne s'y prête pas". Des bruits mauvais circulent comme d'habitude, je n'y prête pas d'attention. Nous portons la nouvelle depuis un mois et demi.

Mercredi 15 : Par téléphone on me demande d'être à 4h rue Claude Bernard. Quand je demande à papa "pourquoi faire ?" il me répond "c'est un ordre !". Ca a l'air sérieux. Un deuxième coup de téléphone "Apporte un pull, mon imperméable et des tickets de pain. Il se peut que nous soyons obligés de passer la nuit".
Réunion. Nous sommes les EI plus l'école de Cadre. On nous parle pour nous dire de nous tenir prêt à recevoir des enfants. On forme des équipes. Je suis fière d'être secouriste. On attend jusqu'à 9h pour savoir s'il faut passer la nuit puis on rentre chez nous.

Jeudi 16 juillet : Nous descendons papa et moi à 7h15 de chez nous ; la rue est calme, rien d'insolite. J'ai sommeil et je dis à papa : "tu vois qu'il n'y a rien".
Dans la rue de l'Arbalète on rencontre Renaud l'air affairé. On croyait déjà papa arrêté. A 8h Michel n'est toujours pas là, à 9h on téléphone chez lui, il est emmené. Rassemblement : une fille pleure à chaudes larmes, on vient de lui téléphoner qu'on a emmené ses parents. Il faut attendre. Nous sommes tous présents. Une équipe est appelée pour se préparer à recevoir des gosses. On hésite entre la nôtre et celle de Freddy, c'est celle de Freddy qui part.
Toute la journée on attend.

Vendredi 17 : 7h du matin - 19h on attend

Samedi 18 : Un esprit règne malgré le vasouillage de l'attente. Que sont devenues nos filles ?
Le calme règne un peu. Des enfants arrivent.
S'il y a un travail à faire nous sommes vingt à nous précipiter dessus.

Dimanche 19 : On forme les équipes de deux pour le travail (ENFIN !) du lendemain.
On trouve le temps dans la matinée de se disputer avec Micheline Rosenberg. Puis, tout à coup, on appelle quinze personnes pour aller chercher des colis au Vel d'Hiv.
On déjeune en cinq minutes.
On prend le métro : trois équipes de cinq. On espère enfin pouvoir faire quelque chose peut être même entrer. Voir ce qui se passe. Fièrement nous arrivons devant le Vel d'Hiv. Il règne une odeur insupportable (il y a douze cabinets pour 13 000 personnes !). Des gens veulent rentrer. Malgré nos laissez-passer on ne nous laisse pas rentrer.
Quel enfer cela doit-il être !
Durant huit heures nous tournons autour. Avec le système des ordres et des contre-ordres on nous fait attendre huit heures pour nous renvoyer ensuite.
Un cortège incessant d'étoiles jaunes vient du métro Dupleix jusqu'aux agents. Ils attendent cinq minutes puis se font renvoyer au métro. Cortège lamentable avec des colis.
La Croix Rouge s'agite.
Enfin on nous dit de rentrer à notre centre. Déçus on rentre.

Lundi 20 : À 9h à l'UGIF rue de la Bienfaisance, on va faire des enquêtes pour savoir ce que sont devenus les familles juives suivies par l'assistante sociale. Fleurette et moi commençons par le 3ème, le plein ghetto parisien. Mon (notre) premier contact avec la misère.
Les intérieurs sentent mauvais. Les gens sont méfiants. Quelques-uns s'enfuient en nous voyant. Beaucoup de gens sont "absents". Mais nous n'avons pas de cas terribles (enfants, vieillards seuls etc). Je ne pensais pas que tant de gens vivant à Paris ne savent encore que le Yiddish. Et puis, il y a les "Lamentations". Les concierges sont très chics en moyenne. L'après-midi, on continue, il y a des concierges très bavardes.

Mardi 21 : On fait le 9ème. J'apprends que l'on peut habiter sur les boulevards, un immeuble à ascenseur et être dans la misère.
Rue Cadet, autre ghetto, il y a de vieux juifs petits rentiers français, espèce très rare d'ailleurs. Les juifs sont abrutis, ils ne savent pas en moyenne pourquoi ils souffrent, les jeunes comme les vieux.
Après-midi 10e arrondissement.

IL FAUT SAUVER LA JEUNESSE.

Les Éclaireuses Israélites en zone Nord de 1940 à 1944
Denise WEILL


En septembre 1940 par inconscience ou impossibilité de fuir il restait à Paris un assez grand nombre de familles juives ; la plupart se sont "déclarées" et se sont soumises aux exigences de l'occupant. Il faudrait un sérieux rappel historique, psychologique et juridique impossible en ces quelques lignes pour expliquer ainsi que pour comprendre les cadres dans lequel toutes les activités des EI garçons et filles ont pu exister sous l'occupation.

Dés l'automne 40, quelques anciens et anciennes EI se sont regroupés pour constituer des "cercles d'études", et dès 1941 ayant pu récupérer une ancienne école juive située rue Claude Bernard, Fernand Musnik (Lion de son totem) ancien commissaire a constitué sous forme de "patronages" de véritables troupes et sections (encore non mixtes). Ainsi que des groupes de louveteaux et de routiers, un vrai mouvement scout, sans uniforme, dépendant certes des restriction faites aux juifs : jardins interdits couvre feux etc. etc. et malgré des arrestations fréquentes de juifs "étranger" et l'ouverture en 1941 du Camp de Drancy… Cependant en juillet 1941 un véritable camp de formation a eu lieu à Bierville auberge de jeunesse des Jeunesses chrétiennes
C'est ainsi que des enfants et des adolescents juifs ont eu des loisirs et une formation scoute et juive en pleine occupation.

L'année 1941-1942 a été la plus riche : c'est ainsi que tous les samedis et dimanches nous nous regroupions au 60, rue Claude Bernard le samedi, les plus âgés pour faire de la gymnastique, étudier le judaïsme, chanter, faire du théâtre, célébrer les fêtes juives a des horaires décalés en raison du couvre feu. Le dimanche, même très jeunes, promus chefs et cheftaines nous sortions les enfants le plus souvent dans des campagnes accessibles du département de la Seine, le reste nous étant interdit. C'est ainsi que si nos sorties d'avant-guerre avaient souvent lieu au parc de Saint Cloud, celui-ci, en tant que jardin public ne nous était plus accessible, mais que le fort de Franconville ou les bois d'Orsay nous étaient permis.Cette année là a fait dire paradoxalement à beaucoup d'entre nous que nous avions eu une adolescence exceptionnelle .


Sortie d'éclaireurs dans la zone autorisée autour de Paris.
Denise Lefschetz à droite (portant l'étoile jaune)
Mais le 6 juin 1942 nous avons été astreints au port de l'étoile jaune, les adolescentes que nous étions l'ont parfois exhibée avec fierté voire arrogance.
Malgré le port de l'étoile, l'activité des "patronages " a continué jusqu'à la fin de l'année scolaire et même pendant l'hiver 194 , mais cet été là a eu lieu "La grande rafle du Vel d'Hiv" le 16 juillet 1942, qui a touché directement ou indirectement certains d'entre nous ou leur parents qui ne sont jamais revenus, et qui dès le 14 juillet nous a mobilisés dans les premiers jours pour tenter de faire sortir des enfants de cet enfer (ce qui n'a pasété possible).
Très vite nous avons dû nous improviser "moniteurs" d'enfants abandonnés regroupés dans divers lieux parisiens et tout l'été chaque groupe local a pris en charge une maison d'enfants (rue Lamarck, rue Guy Patin, entre autre), il faisait chaud cet été là et il fallait sortir et faire jouer les enfants, certaines écoles privées nous ont ouvert leurs cours ( le Collège Rocroy-Saint-Léon entre autre) pour qu'ils puissent s'ébattre.

A la rentrée les activités de "patronage" ont repris. Des "sections" ont été créées dans les maisons d'enfants que nous allions animer en dehors des heures scolaires. En mars 1943, Robert Gamzon (fondateur et commissaire général des Eclaireurs Israélites de France), est venu à Paris, et a pu voir deux à trois cent enfants et adolescents, un véritable rassemblement de scouts.

En mai1943, notre Commissaire Fernand Musnik a été arrêté, Emma Lefschetz qui travaillait avec lui depuis 1941 a continué seul ; mais l'activité du 60 rue Claude Bernard est passée du loisir à la "résistance".
Non pas une résistance armée mais de sauvetage. Il fallait trouver des lieux de séjour pour cacher des enfants abandonnés... C'est à un jeune chef de groupe local qui n'avait pas 20 ans (Freddy Menahem) qu'a été confié la responsabilité de ce qu'est devenu la 6éme zone Nord (il y a eu aussi une importante 6è zone sud), nom qui restera celui de l'activité de sauvetage des EIF. Trouver des cachettes pour les enfants parfois leur famille, fabriquer des faux papiers conduire les enfants vers ces lieux protecteurs, aller les voir avec de faux papiers, en bicyclette souvent. Cela fut jusqu'à la libération la principale activité des chefs et cheftaines restés à Paris et des aînés ( mais la plupart n'avaient pas 20 ans). Certains y ont laissé leur vie dès 1943 Heddy Nissim (Cabri) entre autre qui fut avant guerre à la section Suffren, d'autres plus tard. Mais grâce à tous ces jeunes scouts plusieurs centaines d'enfants ont été sauvés.

Une commissaire de la Fédération Française des Eclaireuses, l'ssistante sociale Micheline Bellair (devenue Micheline Cahen) Topo de son totem; a été au cours de cette période d'une aide inestimable pour ces activités clandestines, fournissant informations, aidant les unes et les autres, trouvant du travail de "couvertur" etc .. Elle est morte en janvier 2006 celles d'entre nous qu'elle a aidées ou soutenues lui sont restées fidèles à travers les années.

Une aide constante nous a été apportée par quelques cheftaines de la FFE qui se retrouvaient et accueillaient les unes ou les autres au 10, rue de Richelieu. (C'est ainsi qu'ayant dû entrer en clandestinité et quitter mon lycée en janvier 44, deux cheftaines me donnèrent des leçons particulières de philo et d'histoire..)

Le 9 rue Vauquelin de 1939 à 1944
Denise WEILL
Ce texte est paru dans la revue Yom Tov, revue du temple de la place des Vosges n° 111, 2007


Quel n'a pas été mon étonnement lorsqu'interrogeant un jeune ami rabbin sur ce qu'il savait de l'histoire de son école pendant la période de l'occupation je m'entendis répondre "rien". La même réponse me fut donnée à la même époque par un administrateur de la synagogue. Toutes les tentatives faites pour en parler sous une forme ou une autre n'ont jamais abouti...

Ce sont les efforts des anciens cadre EI et des survivantes qui ont abouti non sans de nombreuses difficultés à la pose d'une plaque commémorative à l'entrée de l'immeuble régulièrement fleurie par la Mairie de Paris…
Une partie de l'histoire était désormais devenue publique, mais interrogeant quelques années plus tard d'autres jeunes rabbins ayants vécu dans l'école c'était toujours la même ignorance, et toujours le même désintérêt de la communauté pour son histoire. Pourtant il y avait eu en ces lieux pendant l'occupation une histoire riche, particulière aussi bien pour la synagogue elle même que pour l'école, une maison de jeunes filles mais aussi une synagogue vivante grâce aux Eclaireurs Israélites de France enfermés dans Paris et transformés en animateurs de patronages, encadrant jusque 300 enfants... (1)

De 1940 à 1942 les Allemands ayant vidé presque toute la bibliothèque ont laissé sur place l'ancienne cuisinière de l'école et entre 1940 et 1942, d'après les souvenirs de Charlotte Kaminski sa fille, des adultes ont transité dans la maison des hommes, des femmes, des enfants qui utilisaient ce lieu comme relais pour se sauver.

Vie de la Synagogue

Sur la page consacrée au grand rabin Julien Weill, on peut lire le témoignage de Josy Walter, responsable EI et qui raconte comment Julien Weill, "après rangements et nettoyages a donné son feu vert et son imprimatur au programme 'allégé' d'office qui lui avait été soumis". les EI souhaitant faire un office de Kippour. Il raconte le transport en métro dans le dernier wagon, seul autorisé aux porteurs d'étoiles jaunes, du Sefer Torah. Il faut lire ce témoignage plein d'humour, qui raconte comment en septembre 1942, après la rafle du Vel d'hiv du 16 juillet, la synagogue s'est remplie des différents groupes, venus les uns après les autres entendre certes un office "light" chanté en hébreu par deux chefs EI (Simon Siwochinski et Josy Walter), traduit en français et accompagné d'une chorale mixte, dont j'ai eu l'honneur de faire partie. Josy Walter termine son témoignage par cette phrase : "S'il y a sans aucun doute des offices beaucoup plus religieusement corrects, il n'en est pas moins vrai que cela a été un grand moment dans la vie des E.I en zone occupée." Il y eut d'autres offices en 1942 et 1943, le samedi matin parfois. Un chef de patrouille de la troupe Salomon, Pierre Stiffel , n'avait pu faire sa bar mitzwa à cause la déclaration de guerre ;c'est à 16 ans , pendant les vacances de Noël 1942 qu'il monta à la Torah pour la première fois entouré de tous les EI invités , avec Josy Walter comme 'hazan et toujours la chorale de Jacques Salmona.
Ces offices ont duré pendant une grande partie de l'année 1943…

La maison de jeunes filles

En janvier 1943 , une trentaine de jeunes filles ont été rassemblées,dans les locaux de l'école, venant d'un orphelinat ( rue Lamblardie), regroupées après la rafle de juillet, et placées sous la responsabilité de l'UGIF. Certaines étaient ce que l'on appelait "des enfants bloqués" (2).Toutes portaient l'étoile et certaines allaient à l'école d'autres recevaient, dans les lieux mêmes des "apprentissages". Rappelons que la scolarité n'était obligatoire à l'époque que jusqu'à 12 ans ; le projet était donc celui d'un internat ouvert sur l'apprentissage, les métiers de la mode voire du secrétariat (avec l'aide de l'ORT). Quelques unes n'ont fait que passer en attendant d'être cachées mais une trentaine étaient toujours présentes.

En plus de l'encadrement permanent, salarié de l'UGIF, quelques monitrices, des EI très jeunes elles-mêmes, 16 ou 17 ans, assuraient loisirs et même sorties pendants les périodes de vacances scolaires et les wende end. Jeux , théâtre (ainsi qu'en témoignent certaines photos déposées au CDJC) et aussi éducation juive. Ainsi un Seder fut organisé en 1943 (à l'heure du déjeuner en raison de l'obligation faite au juifs de ne plus sortir après 20 heures).

La bonne volonté de la Sixième qui aurait souhaité "évacuer" la maison n'a pas été suffisante pour des raisons complexes, et c'est ainsi que le 21 juillet 1944, dans la nuit la police française, est venue arrêter ces jeunes filles et le personnel qui les encadrait, alors que les Américains n'étaient plus très loin de Paris. Emmennées à Drancy, elles furent déportées par le convoi 77 le dernier grand convoi, et moins d'une dizaine sont revenues en mai 1945...

Enfin deux jeunes filles à l'instigation d'Emmanuel Lefschetz se sont installées dans la maison pour la "garder" pendant la libération de Paris. Cette maison et cette synagogue ont pu être ainsi récupérée intactes par le Consistoire.

Note :
  1. Le bâtiment de la rue Vauquelin se trouve à l'angle de la rue Claude Bernard, donc très proche de celui qui abritait les EI pendant la guerre. C'est pour cela qu'ils intervenaient régulièrement dans cette maison, et utilisaient même la synagogue. Le 60 rue Claude Bernard est devenu l'Ecole Yabné après la guerre.
  2. Les enfants bloqués étaient :
    - les enfants ayant fait l'objet d'arrestations, puis ensuite libérés par les Autorités allemandes et confiés pour être placés dans des maisons de l'UGIF ;
    - des enfants arrêtés en province et séparés alors des parents par les Autorités locales et dirigés sur Paris par les soins de la Croix Rouge pour être remis à l'UGIF ;
    - des enfants ayant fait l'objet de mesures d'arrestations par la préfecture de police et dirigés sur l'UGIF, au lieu d'être dirigés sur Drancy ;
    - des enfants libérés de Drancy sur notre intervention comme enfants isolés, c'est-à-dire n'ayant aucune famille au camp, ou que nous parvenions avec l'aide de la police judiciaire à faire reconnaître comme tels.
    Ces enfants devaient rester dans nos maisons sous le contrôle théorique de la police judiciaire et des autorités allemandes, contrôle qui pratiquement ne fut jamais exercé et qui permit ainsi à l'UGIF d'en disperser un très grand nombre.
    Les enfants libres étaient :
    - les enfants confiés par les familles qui désiraient - pour des motifs légitimes - disparaître de la circulation et pour qui les enfants auraient constitué une grosse charge ;
    - les nfants abandonnés lors d'arrestations et cachés chez des voisins ou des concierges, et dont ceux-ci - malgré l'offre pécuniaire qui leur était faite - ne voulaient pas continuer à assumer la charge.

Denise Weill née Lefschetz (1926-2015)
En 1948 Denise épouse Jacques Weill, un EI qu'elle connaissait déjà avant la guerre. Celui-ci-ci a vécu le conflit d'abord en Zone Sud, au chantier de Lautrec, puis dans un réseau de résistance franco-polonais. Après la guerre, ils vont reprendre du service aux EI et ils deviendront commissaires à leur tour ; mais au milieu des années 50, ils vont se retirer progressivement du Mouvement pour construire leurs vies familiale et professionnelle. Denise fera des études de psychologie avant de devenir psychanalyste et de fonder et diriger une grande institution qui regroupe plusieurs hôpitaux de jours destinés à des enfants qui ont des problèmes psychiatriques. Ils ont eu quatre enfants : Barbara, Caroline, Fabrice et Nicolas.
Voir le témoignage de Denise Weill sur le site de USC Shoah Fondation - mais contrairement à ce qui est écrit dans le texte de présentation de ce document vidéo, son père était bel et bien juif, comme en témoigne la page précédente.


Judaisme alsacien
© A . S . I . J . A .