JEUX DE MOTS BIBLIQUES

Rabbin Daniel GOTTLIEB

Lorsqu'un mot ou une expression hébraïques ont une consonance qui évoque un terme alsacien, c’est évidemment le prétexte pour un jeu de mot facile. Il n’en reste pas moins que ces différentes associations d`idées ou de sonorités illustrent à la fois l’attention que les Juifs alsaciens portaient aux textes liturgiques ou à la lecture rituelle de la Torah, et la permanence de leurs références au judaïsme dans leur vie quotidienne.

Quelques exemples suffiront :

HAYYTSE (Genèse 8:17) :
Dans le récit biblique du Déluge, il est demandé à Noé de faire sortir de l’Arche tous les passagers qui s’y étaient réfugiés avec lui. "Fais sortir" se dit, en hébreu, "hayytsé" (et ce mot est généralement lu par l’officiant avec une certaine emphase parce qu’il comporte une particularité graphique qu’il suffit d’évoquer ici sans qu’il soit nécessaire de la développer).
Or le calendrier liturgique fait que les chapitres bibliques qui parlent du Déluge, dans la sidra Noa’h, sont toujours lus à l’automne, quand on commence à sentir qu’il va bientôt faire froid.
Cigogne Le mot "hayytsé" prend alors, en alsacien, la signification d’une invitation à ... allumer le poêle . On n’était pas frileux, dans ces grandes maisons où, habituellement, une seule pièce était chauffée.
La lecture de la Torah prenait alors la valeur d’un signal "autorisant" officiellement le début du chauffage hivernal.

VE-ESS HA-TSIPPOR LO BOSSOR ("Mais les oiseaux, il ne les fendit pas" - Genèse 15:10) :
La conclusion de l’Alliance entre Dieu et Abraham a été marquée par une cérémonie au cours de laquelle un certain nombre d’animaux devaient être sacrifiés, coupés en deux ; les volatiles, eux, ne devaient pas être tranchés. C’est ce que dit le verset cité.
Il n’est pas nécessaire d’être un hébraïsant chevronné pour savoir que "bossor", "fendit" dans le texte cité, se prononcerait, selon la prononciation israélienne batar . Mais d'autre part, avec la prononciation israélienne, le mot qui veut dire "viande" se prononce bassar. Il s'agit donc d'un jeu de mots judéo-alsacien qui ne va pas s’embarrasser de questions orthographiques !.
On sait aussi que tsipor désigne un oiseau en hébreu, de telle sorte que le Shabath où on lisait la sidre de Lekh Lekho, il se trouvait toujours quelqu’un dans la synagogue pour suggérer que l’on puisse manger ... du poulet au beurre, puisque "Ha-tsipor lo bossor", "la volaille n’est pas considérée comme de la viande" si l’on en croit cette traduction humoristique d’un verset biblique.

SHNEI ZEISSIM ("Deux oliviers")
Il n’y a pas que les lectures bibliques qui donnaient lieu à ce genre de jeux de mots : les poèmes liturgiques de circonstance étaient d’autant mieux connus qu’ils étaient fredonnés ou chantés sur des airs populaires que tout le monde connaissait.

Ainsi, un piyouth (poème liturgique additionnel) de Shabath Hanouka contient-il les mots "Shnei Zeissim". La consonance du shnei ("deux") hébreu fait irrésistiblement penser au Shnei alsacien ( = Schnee allemand) qui désigne la neige. Aussi, ce texte annonce-t-il souvent les premières neiges. Et si la première neige est déjà tombée, c’est elle qui annonce la proximité de Hanouka.
L’essentiel est de toujours savoir que le climat se conforme aux indications que l’on trouve dans les livres de prières.


Article
précédent
Article
suivant
Dialecte  judaisme alsacien Accueil