2. LES PERSONNAGES :
Ainsi, l’affectation des places dans la synagogue donne lieu à des convoitises particulièrement délicates à gérer. Dans la galerie des dames par exemple, les Mizra'h Plätz, au milieu de la rangée centrale, dirigées vers le mizra'h, sont évidemment réservées à la rebetzen, la femme du rabbin, et à la femme du parness.
Le Parness, le président de communauté, a souvent été désigné pour exercer cette éminente fonction représentative en raison de sa position sociale : il a une bonne Parnosso, une activité professionnelle relativement lucrative.
"E Bauch wie e Parness" - "Une bedaine comme celle d’un président de communauté".
Les bonnes places constituaient ainsi une marque de Kovod pour ceux qui les occupaient (sur Koved et les locutions dérivées, voir Koved).
Tous les juifs du village se sentaient intensément
appartenir à la Kelle (hébr. : kehilla = communauté) ; on pouvait aussi désigner cette communauté par un autre mot dérivé de la même racine hébraïque : Kaal (hébr. : kahal = rassemblement de fidèles, communauté).
Pour parler de l'ensemble de la communauté, dans son entité, et presque
personnifiée, on avait deux expressions à sa disposition : "Die Ganze
Kelle" ou "Kole Kaal". On remarquera le mélange habituel de mots hébreux et de termes allemands.
Cette locution trouve sa place dans une expression très savoureuse et particulièrement expressive :
"Kole Kaal's Tentefass" = littéralement "L’encrier de toute la communauté". A l’origine cette expression désigne le secrétaire de la communauté, (le scribe communautaire, l'écrivain public) ; puis, par extension, toute personne serviable dont on abuse parfois.
Une mention spéciale revient évidemment au Rewwe, le Rabbin, toujours prêt à écouter affectueusement ses fidèles et à répondre aux questions qu’ils lui posent.
" S’ech wie der Rewwe" -"C’est comme le veut le Rabbin". Cette formule exprime les sentiments des gens qui ne comprennent pas que, dans des situations apparemment analogues, le rabbin ait été amené à donner des réponses différentes : ils en viennent à croire que, dans les cas délicats, plusieurs solutions sont possibles et que le rabbin choisit, plus ou moins arbitrairement, celle qui lui convient selon son humeur du moment ou selon l’interlocuteur qu’il a en face de lui.Si les rabbins étaient, en général, raisonnables, aimés et respectés, certaines communautés ont connu des guides spirituels qui ne correspondaient pas à cette image sereine : on les appelait Rebb Evertzverich, ce qui exprimait bien l’originalité et l’extravagance des idées qu’on lui trouvait (E.Weill, p. 56).
Comme source d’informations, de potins, de ragots, le chamess
était concurrencé par la Chabess-Goye.
La Chabess-Goye était cette femme non juive qui allait de
maison en maison, les jours de chabbat et de fêtes, allumer le feu dans le
Chtobche, ce grand fourneau en céramique qui chauffait en hiver la salle de séjour et qui conservait au chaud la soupe du repas de chabbat à midi : la Gsetsi Suppe.
La Chabess-Goye jouait un rôle important dans la communauté,
dans la mesure où elle ne manquait pas de raconter à chacun ce qu’elle avait vu
et ce qu’elle avait entendu au début de sa tournée. C’était quasiment le journal
de la Yiddegass (rue des Juifs) : même si elle prétendait n’avoir rien de nouveau à raconter elle ouvrait, dès qu’on lui en donnait l’occasion, son
robinet à cancans. C’était donc un personnage avec lequel il fallait compter et
cela valait la peine d’être en bon terme avec elle.
Les morceaux de 'hala, de Berchess (pain natté) ou de Kouglof qu’on lui donnait, contribuaient à maintenir un climat chaleureux avec
elle ; elle attendait avec impatience la fête de Pessa'h, sachant qu’elle allait
recevoir les restes de 'hometz que les familles n’étaient pas
arrivées à terminer, et surtout les matzoth qu’on ne
manquerait pas de lui donner et qu’elle affectionnait tout particulièrement.
Celui dont on dit qu ': "il bavarde comme une Chabess-Goye, ne
cesse de parler pour transmettre tous les ragots qu’il a pu obtenir.
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