Mon lexique judeo-alsacien


LA SCHULE - LA SYNAGOGUE

2.    LES PERSONNAGES :

Ainsi, l’affectation des places dans la synagogue donne lieu à des convoitises particulièrement délicates à gérer. Dans la galerie des dames par exemple, les Mizra'h Plätz, au milieu de la rangée centrale, dirigées vers le mizra'h, sont évidemment réservées à la rebetzen, la femme du rabbin, et à la femme du parness.
Le Parness, le président de communauté, a souvent été désigné pour exercer cette éminente fonction représentative en raison de sa position sociale : il a une bonne Parnosso, une activité professionnelle relativement lucrative.

"E Bauch wie e Parness" - "Une bedaine comme celle d’un président de communauté".

Les bonnes places constituaient ainsi une marque de Kovod pour ceux qui les occupaient (sur Koved et les locutions dérivées, voir Koved).

Marchand de Bestiaux au 19ème siècle - Poupée du Musée judéo-alsacien de Bouxwiller
Chevillard
Dans la hiérarchie sociale, les activités professionnelles avaient certainement un rôle particulièrement important ; ainsi, par exemple, les Dfühändler, les marchands de grains, occupaient-ils le dessus du pavé. (Le mot Dfüh-händler est composé du mot allemand Händler qui veut dire commerçant, tandis que dfeih est une déformation de l’hébreu Tevouah = récolte).
Les Peimess-händler étaient les célèbres marchands de bestiaux (Peimess = hébreu, Behémoth).

Tous les juifs du village se sentaient intensément appartenir  à la Kelle (hébr. : kehilla  = communauté) ; on pouvait aussi désigner cette communauté par un autre mot dérivé de la même racine hébraïque : Kaal (hébr. : kahal = rassemblement de fidèles, communauté).
Pour parler de l'ensemble de la communauté, dans son entité, et presque personnifiée, on avait deux expressions à sa disposition : "Die Ganze Kelle" ou "Kole Kaal". On remarquera le mélange habituel de mots hébreux et de termes allemands.
Cette locution trouve sa place dans une expression très savoureuse et particulièrement expressive :

"Kole Kaal's Tentefass" = littéralement  "L’encrier de toute la communauté". A l’origine cette expression désigne le secrétaire de la communauté, (le scribe communautaire, l'écrivain public) ; puis, par extension, toute personne serviable dont on abuse parfois.

Costume de rabbin au 18ème siècle - Poupée du Musée judéo-alsacien de Bouxwiller
Rabbin
Parmi les personnages qui jouaient un rôle particulièrement important dans la vie de la synagogue figurait l’officiant ('hazan) et son remplaçant, permanent ou occasionnel, le baal-tefila , quelqu’un qui maîtrise la prière. (Pour les dérivés du mot baal, voir s.v. Baal).

Une mention spéciale revient évidemment au Rewwe, le Rabbin, toujours prêt à écouter affectueusement ses fidèles et à répondre aux questions qu’ils lui posent.

" S’ech wie der Rewwe" -"C’est comme le veut le Rabbin". Cette formule exprime les sentiments des gens qui ne comprennent pas que, dans des situations apparemment analogues, le rabbin ait été amené à donner des réponses différentes : ils en viennent à croire que, dans les cas délicats, plusieurs solutions sont possibles et que le rabbin choisit, plus ou moins arbitrairement, celle qui lui convient selon son humeur du moment ou selon l’interlocuteur qu’il a en face de lui.
Si les rabbins étaient, en général, raisonnables, aimés et respectés, certaines communautés ont connu des guides spirituels qui ne correspondaient pas à cette image sereine : on les appelait Rebb Evertzverich, ce qui exprimait bien l’originalité et l’extravagance des idées qu’on lui trouvait (E.Weill, p. 56).

Uniforme de Chamess
Le Chammess (hébreu : shamash = celui qui sert), le bedeau était, en fait, le garant de la bonne marche de la communauté : il veillait non seulement à la propreté et à l’ordre dans la synagogue, mais c’est lui aussi qui savait préparer les Rouleaux de la Tora pour qu’ils soient ouverts, à la bonne colonne, en fonction des lectures rituelles ; c’est lui enfin qui allait de famille en famille pour effectuer les encaissements des dons annoncés par les fidèles au cours des offices : il connaissait tout le monde, mieux que quiconque et était toujours le premier à savoir tout ce qui se passait dans la communauté - parfois aussi il était le vecteur privilégié par lequel circulaient informations, potins et ragots.

Comme source d’informations, de potins, de ragots, le chamess était concurrencé par la Chabess-Goye.
La Chabess-Goye était cette femme non juive qui allait de maison en maison, les jours de chabbat et de fêtes, allumer le feu dans le Chtobche, ce grand fourneau en céramique qui chauffait en hiver la salle de séjour et qui conservait au chaud la soupe du repas de chabbat à midi : la Gsetsi Suppe.
La Chabess-Goye jouait un rôle important dans la communauté, dans la mesure où elle ne manquait pas de raconter à chacun ce qu’elle avait vu et ce qu’elle avait entendu au début de sa tournée. C’était quasiment le journal de la Yiddegass (rue des Juifs) : même si elle prétendait n’avoir rien de nouveau à raconter elle ouvrait, dès qu’on lui en donnait l’occasion, son robinet à cancans. C’était donc un personnage avec lequel il fallait compter et cela valait la peine d’être en bon terme avec elle.
Les morceaux de 'hala, de Berchess (pain natté) ou de Kouglof qu’on lui donnait, contribuaient à maintenir un climat chaleureux avec elle ; elle attendait avec impatience la fête de Pessa'h, sachant qu’elle allait recevoir les restes de  'hometz que les familles n’étaient pas arrivées  à terminer, et surtout les matzoth qu’on ne manquerait pas de lui donner et qu’elle affectionnait tout particulièrement. Celui dont on dit qu ': "il bavarde comme une Chabess-Goye, ne cesse de parler pour transmettre tous les ragots qu’il a pu obtenir.


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