Humour
"Rou'h apéinou"
pour
"Rouah apèinou"
"Libertin, dépensier"

Ici, nous ne glanons pas dans les champs du Rituel proprement dit ; mais nous nous trouvons néanmoins sur le terrain de la liturgie.
Nous parlons des "Zemiros". Les "Zemiros" sont des chants religieux qui avaient jadis leur place et leur heure, le vendredi soir, le samedi matin et le samedi soir, dans tous les intérieurs israélites. Ceux du vendredi soir étaient claironnés joyeusement, à la fin du repas, par le père de famille, accompagné "à grand orchestre" par toute la famille réunie. Ceux du samedi matin et du samedi soir étaient plus modestement chantonnés par le père de famille seul, au milieu des siens, après l'office du matin et la cérémonie de la "Habdala".

Parmi les israélites dont les foyers ne résonnent plus aujourd'hui de ces chants religieux, ils sont nombreux ceux qui se souviennent encore avec émotion du plus entraînant d'entre ces chants, le "Tsour mi-chélo ôkhalnou" du vendredi soir. Dans la dernière phrase de ce morceau poétique, se trouvent les mots "roua'h apèinou" », qui signifient "souffle de notre vie" . C'est par ces mots que l'auteur des Lamentations qualifie le malheureux roi de Juda dont il pleure la captivité. Dans le chant dont nous parlons, ces mots sont appliqués au Messie attendu.

Comme il arrive souvent, l'emploi qui est fait, dans le dialecte judéo-alsacien, des mots empruntés à un texte sacré, n'a aucun rapport avec le sens qu'ils ont dans ce texte. Plus encore de laudatifs que sont nos deux mots en question dans le texte d'où ils sont tirés, ils prennent, par l'emploi qu'en fait le juif alsacien, un sens péjoratif. Voici comment : le mot allemand Ruch (prononcé rour) signifie libertin, dépensier et est employé dans le même sens dans le judéo-alsacien. Et voilà le jeu de mots singulièrement facilité par l'absence de la voyelle finale dans la prononciation négligée du juif alsacien "Rouah" (souffle) confondu intentionnellement avec ruch (libertin, dépensier). Et il n'est pas rare d'entendre pousser l'exclamation suivante à l'adresse de quelque dépensier ou de quelque libertin : "quel rouhe apéinou" que cet homme !


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