Souvenirs d'un médecin d'enfants à l'O.S.E.
en France occupée et en Suisse 1940-1945
par le Docteur Gaston LÉVY

AVANT-PROPOS
par André Chouraqui


le Docteur Lévy à la Pouponnière de Limoges
L'émotion m'étreint à la relecture des Souvenirs d'un médecin d'enfants à l'Oeuvre de Secours aux Enfants, l'OSE clandestine dont les activités s'exerçaient en France et en Suisse aux pires heures de l'occupation nazie, de 1940 à la fin de la guerre.

Je ne connaissais pas encore mon futur beau-père alors que nous étions mobilisés au service d'une même cause, sauver des vies, mais au premier regard, lors de notre première rencontre, je sus que j'avais rencontré le plus parfait honnête homme de ma vie, lui qui devait devenir mon beau-père, le grand-père et l'arrière grand-père des enfants et petits-enfants issus de mon mariage avec Annette.

Gaston parlait rarement de lui-même, mais sous son silence chacun pouvait ressentir la bonté et la générosité inépuisable du grand médecin qu'il fut. Annette, sa fille, m'avait invité alors à prononcer une conférence devant le cercle de la jeunesse libérale qu'elle présidait alors rue Copernic. L'intuition de Gaston ne l'avait pas trompé, lorsqu'il m'accueillit au sein de sa famille. Sa fille unique était chère à ses yeux. Ce n'était pas simple pour lui et pour son épouse Renée de la voir se lier à un homme dont le centre d'intérêt principal se situait si loin de Paris.

Mais ce qui nous unit si fortement, et dès le premier instant, Annette et moi, fut justement l'amour de Jérusalem. Nous nous y étions installés dès 1958. La guerre des six jours en 1967 poussa mes beaux parents à quitter la rue de la Pompe à Paris, pour se rapprocher de leurs petits-enfants. Ils vinrent s'établir en Israël en 1972 et s'installèrent à Jérusalem, à Abu Thor, dans une maison toute proche de la nôtre, 17 rue Ishaï. C'est là qu'ils eurent la joie de voir grandir dans la lumière de Jérusalem leurs nombreux petits et arrières-petits-enfants.

Partis d'Alsace, comme moi d'Algérie, nous nous étions rencontrés sans nous connaître au sein de l'OSE, quand nous combattions l'Allemagne nazie en sauvant au risque de nos vies de nombreux enfants menacés de déportation. Pour les rescapés que nous étions, la création de l'État d'Israël apparaissait être le seul refuge possible pour notre avenir. Les souvenirs du Docteur Gaston Lévy attestent le triomphe de la vie sur la mort, comme celui de la lumière sur les ténèbres. L'humble travail des résistants de l'ombre que nous étions, originaires de toutes les régions du monde, avait contribué à vaincre une des armées les plus puissantes de l'histoire.

La résurrection de Jérusalem où nous avions élu domicile, après l'horreur des camps de concentration et des fours crématoires confirmait aux yeux de tous qu'un avenir et des progrès étaient possibles, même pour les plus déshérités d'entre les hommes. Telle est l'espérance du Docteur Gaston Lévy, léguée au monde dans l'attente des ultimes progrès de l'histoire et d'une culture nouvelle, celle de la paix universelle.

 


Moïse Gaston LEVY - Notice biographique



Moïse Gaston Lévy est né le 2 mars 1902 à Mutzig (Bas Rhin), de Léon Lévy et Sarah Rotkopf, tous deux originaires d'Alsace.

En 1916, il commence ses études primaires à Mutzig et ses études secondaires à Strasbourg au Lycée Kléber - Fustel de Coulange. Ses études de Médecine le conduisent en 1920 à Strasbourg où il se spécialise dans la Puériculture. Il présente sa thèse de médecine en 1929 sur le thème Ponction sous occipitale.

En 1930 il se marie avec Renée Klein. De leur union naît une fille Paule Annette (1934).

Diplômé de Puériculture de la Faculté de Médecine de Paris en 1930, il est assistant en médecine infantile dans différents hôpitaux à Paris et Zurich.
En 1932, il exerce la fonction de pédiatre spécialiste 34, rue de la Pompe à Paris 16ème. En 1934, il dirige le Service de Nourrissons de l'Hôpital Beaujon à Paris.
A cette époque, il est membre titulaire et commissaire aux comptes de la Société de Pédiatrie de Paris.

En 1939-40, il est médecin lieutenant dans l'ambulance lourde en zone de combat.
Pédiatre à Béziers (1940), il est nommé en 1941 président de la Communauté juive de Béziers (Le premier depuis le moyen-âge).
Il cesse d'exercer sa fonction de médecin à la suite de la promulgation du statut des Juifs (1941).
Il devient médecin à l'O.S.E. et directeur de la Pouponnière de Limoges, ainsi qu'inspecteur médical des homes d'enfants de la zone Sud (1941-1944).
Recherché par la Gestapo, il passe clandestinement en en Suisse fin mai 1944 . Comme médecin réfùgié, il est chargé par les autorités suisses de la surveillance médicale des homes (femmes et nourrisssons) à Lausanne et Suisse romande. Il crée avec l'O.S.E. et la Croix Rouge Internationale un cours accéléré de soignantes d'enfants pour aider dans les homes.
A la fin de la guerre, octobre 1944, il retourne à Paris et reprend ses consultations de pédiatre.

De 1951 à 1971, il exerce diverses fonctions : médecin-chef d'un aérium d'enfants de La ligue de l'enseignement à Saint-Prix (Seine et Oise).
Il assure une consultation d'endocrinologie infantile à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (Service du Prof. Gilbert Dreyfus).
Il est expert médical de l'Ambassade d'Allemagne à Paris pour les anciens déportés.
Il est aussi médecin-conseil de la Compagnie de Réassurances de Paris pour risques aggravés dans l'assurance-vie.

Il émigre en Israël en 1972 et s'installe à Jérusalem, 17 Rehov Ishaï à Abu Thor.
Il pratique des expertises d'anciens déportés pour le Medical Board (Shalom Tower Tel Aviv) de 1972 à 1985.

En 1990, il s'éteint à Jérusalem.

Il a publié plusieurs articles dans l'Encyclopédie médico-chirurgicale :
Les troubles de la Croissance (en particulier articles sur la syphilis héréditaire, l'eczéma du nourrisson) et Le nanisme achondroplase, 1934, 1950-1952.
Dans la section de Pathologie générale : L'expertise médicale en matière d'assurances-vie (1966)
Etude sur la malcroissance de Toulouse-Lautrec (Semaine des hôpitaux 10.7.1957).

Distinctions : Chevalier de la Santé Publique (1ère promotion) (1939), Croix des services militaires volontaires (1939), Chevalier de la Légion d'Honneur (1964).


Nous remercions Madame Renée Lévy et Madame Annette Chouraqui de nous avoir fourni les documents photographiques qui illustrent ce dossier.

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